Dans une gare de RER déserte, Alphonse rencontre un inconnu avec lequel il tente d’engager une conversation. Quelques minutes plus tard, Alphonse le retrouve avec un couteau planté dans le ventre. Son propre couteau. Il est ensuite entrainé dans une sombre histoire…
Sans aucun doute le sommet du style Blier. Avec ses bons mots, ses dialogues brillantissimes, son récit surréaliste et comique à la fois, Buffet Froid déjoue tous les pronostics. Ni genre policier, ni comédie pure (ou alors très noire), le film se situe entre réalité et cauchemar et suit trois personnages que rien ne prédestinait à se croiser ( un jeune chômeur insouciant, un inspecteur de police veuf, un étrangleur écolo effrayé par l’indifférence générale des villes). Situations inspirées du théâtre de l’absurde, réparties loufoques et insensées, succession de saynètes apparemment sans logique (et pourtant!), Buffet Froid bénéficie du talent singulier de l’auteur des Valseuses, dont l’aplomb d’écriture fait ici merveille. Il allie l’humour macabre à la cruauté d’un monde déshumanisé, la fausse complicité de trois types côtoyant la mort de près (à moins que ce ne soit elle qui les poursuit), dans ce drôle de drame, les assassins souffrent d’une solitude profonde, se sentent incompris et mal aimés, tiraillés entre chagrin et pitié. Rien qu’avec la séquence d’ouverture dans la station de RER, Blier donne le ton et nous entraine dans un film décidément pas comme les autres, loin des productions balisées de l’époque. Débutant dans les décors sinistres d’une tour de banlieue désaffectée, l’intrigue trouve son aboutissement dans une nature luxuriante et malgré tout anxiogène: comme si Blier voulait nous faire comprendre que ses personnages trainent leurs névroses et leurs mal êtres partout où ils passent.
Porté par un trio incroyable de comédiens, dont on sent l’alchimie immédiate, Buffet Froid réunit Gérard Depardieu, Bernard Blier et Jean Carmet pour le meilleur et pour le rire. Très à l’aise dans l’univers de Blier, ils sont accompagnés d’une belle bande d’acolytes comprenant Michel Serrault, Liliane Rovère, Jean Benguigui, Jean Rougerie, Geneviève Page et une toute jeune Carole Bouquet, révélée par Bunuel un an auparavant, et qui incarne là une sorte d’ange de la mort à la beauté fascinante. Culotté et irrévérencieux, ce film n’a pas d’équivalent dans la filmographie de Blier qui, malgré quelques belles oeuvres ensuite, ne retrouvera jamais ce niveau là.
ANNEE DE PRODUCTION 1979.