André Jurieu est aviateur et amoureux de Christine, une femme mariée au Marquis de Lachenay. Il vient de traverser l’Atlantique pour elle, mais elle reste indifférente à cette preuve d’amour. Blessé, Jurieu tente de se suicider. Son ami, Octave, le fait alors inviter chez Christine et son époux pour une partie de chasse en Sologne dans une immense propriété campagnarde…
Avec La Grande Illusion, La Règle du Jeu compte parmi les réussites incontestables de Jean Renoir. D’une fluidité narrative remarquable, empruntant autant au théâtre de Marivaux qu’au texte fameux du Mariage de Figaro de Beaumarchais, le film fait une sorte d’état des lieux de l’aristocratie française de l’immédiate avant guerre et y pose un regard acide, dénonçant le jeu social qu’il faut tenir pour préserver ses privilèges, sauver les apparences: mentir à tout bout de champ semble ne déranger personne, car comme le souligne une des brillantes répliques « tout le monde a ses raisons« ! Renoir signe une oeuvre d’une modernité exemplaire avec sa mise en scène tout le temps inventive: travellings incessants, profondeur de champ vertigineuse, caméra en mouvement perpétuel, utilisation de l’espace en totale liberté, bref tout le contraire du naturalisme éculé que l’on voyait dans le cinéma hexagonal depuis le début du parlant. Dans une orchestration mécanique du code social, Renoir épingle les supercheries, l’inconstance des coeurs et le défilement des êtres devant leur responsabilité. Ainsi La Règle du Jeu met en lumière d’un côté les bourgeois vaniteux, méprisants, de l’autre leurs domestiques pas plus agréables puisqu’ils singent leurs maitres et prennent aussi du plaisir à porter des masques. Ce marivaudage baigné de vanités et de faux semblants fut jugé tellement immoral à sa sortie que le film connut un échec cinglant, avant de devenir l’objet d’études sérieuses et de commentaires enflammés.
Dans un casting d’une tenue générale de haut rang, Jean Renoir dirige Nora Gregor, Mila Parély, Paulette Dubost, Roland Toutain, Julien Carette, Gaston Modot et Marcel Dalio, parfaitement en place en marquis pédant. Et se donne aussi le rôle d’Octave, l’ami lunaire, révélant de vrais aptitudes d’acteur. Le massacre de la partie de chasse ou la mort « accidentelle » de Jurieu apparaissent comme des distractions amusantes, au même titre que les badinages amoureux de ces personnages incroyablement inconscients de leurs actes, ce qui fait de La Règle du Jeu un film aussi cynique qu’admirable, refusant les sentiers battus et sachant si merveilleusement marier le drame à l’ironie mordante.
ANNEE DE PRODUCTION 1939.