Un matin, Joseph K. assistant de direction dans une administration, est réveillé par un homme qui lui annonce son arrestation. Abasourdi, K se rend compte peu à peu qu’il est la victime d’un complot d’ampleur. Tout le monde l’accuse, ses amis comme ses ennemis. Usé, il finit par douter lui même de son innocence…
Qu’est ce qui a bien pu attirer Orson Welles, davantage porté par les personnages exerçant le pouvoir plutôt que vers ceux qui subissent leur pression, dans l’adaptation d’un des plus célèbres romans de Franz Kafka? Certainement une occasion de montrer combien l’homme est écrasé par les institutions, l’administration, le jeu social? Le réalisateur de Citizen Kane, friand de projets intellos et détestant le côté ultra « commercial » qu’Hollywood lui a imposé pendant plus de 15 ans, élabore donc son film avec un esprit créatif « européen », libre, s’ingéniant à faire briller toute sa science de la mise en scène. Le récit, éclaté, obscur, parfois incompréhensible suit le parcours d’un citoyen victime de la bureaucratie totalitaire, accusé d’on ne sait trop quoi, sûrement de tenter d’exister dans ces méandres tortueux. Welles nous régale de travellings, de contre plongées, de profondeurs de champs, d’images vertigineuses pour recréer le labyrinthe mental de K, signifier sa confusion mentale, une réalisation virtuose dans les décors de l’ancienne gare d’Orsay désaffectée et plutôt angoissante. K se présente peu à peu comme un homme rongé par une culpabilité chronique que les autres amplifient par leur comportement et leur jugement, instillant un malaise chez le spectateur qui, longtemps, se demande où veut en venir ce film fascinant et difficile d’accès. Les repères sont brouillés, le temps parait suspendu, comme dans un cauchemar au long d’une nuit sans fin.
Au son de l’adagio d’Albinoni comme thème central, Le Procès trouve sa valeur ajoutée dans une distribution de taille. Sorti de Psychose d’Hitchcock où il était un si inquiétant tueur en série, Anthony Perkins se fond dans la peau de ce fonctionnaire pris au piège, errant dans un univers où il se cherche littéralement. Accompagné de Jeanne Moreau, Elsa Martinelli, Suzanne Flon, Madeleine Robinson et d’une extraordinaire Romy Schneider (à mille lieux de son impératrice Sissi). Orson Welles lui même ne résista pas à endosser le rôle de l’avocat tout sauf rassurant, écrasant par son jeu monumental. Empli de questions sans réponses, le film déconcerte, laisse par moments sur le bord du chemin, mais le voyage proposé vaut largement le détour car il comporte une vraie vision de cinéma.
ANNEE DE PRODUCTION 1962.