Guy, pompiste à Cherbourg, est amoureux de la douce Geneviève. Il a 20 ans, elle 18. C’est leur premier amour, fou, absolu. Geneviève vit avec sa mère, une jolie veuve propriétaire d’un magasin de parapluies. Mais Guy n’a pas fait son service militaire et il reçoit sa convocation, alors que le jeune couple envisageait de se marier prochainement. Tout est remis en question…
Si Godard a inventé au tournant des années 60 une nouvelle grammaire cinématographique, Jacques Demy, lui, a donné naissance à un genre totalement nouveau: le film « en chanté »! Enchanté parce que dialogué autour de chansons interprétées par les personnages pour signifier leurs états d’âmes, leurs émotions et nous les délivrant avec un naturel désarmant. Les Parapluies de Cherbourg avait tout du projet risqué, heureusement le flair et la ténacité de la productrice Mag Bodard eut raison des réticences et Demy put réaliser ce film, deux ans après le déjà réussi Lola, et s’adjoint les services précieux du compositeur Michel Legrand. Sa musique accompagne chacune des séquences, apportant l’intensité voulue à cette histoire apparemment banale d’un amour voué à l’échec. En réalité, ce mélodrame (pourtant coloré) dépasse les strates limitées de la mièvrerie pour se muer en conte cruel sur la trahison, le manque, les serments d’amour éternels et que la vie vient hélas briser. Demy dénonce à la fois la guerre d’Algérie alors en cours, l’absence de l’être aimé, et tous les obstacles conduisant à faucher un bonheur sans doute trop « parfait’ pour ne pas se heurter aux réalités. Avec leurs voix empreintes de mélancolie et les airs qu’ils fredonnent, Geneviève et Guy représentent les amoureux déchirés et les victimes de leur histoire inaboutie. Quelques traits d’humour viennent par instants alléger certaines réparties (entre la mère et la fille), mais globalement Les Parapluies témoigne d’une tristesse infinie, jusqu’à son final déchirant.
Pour la toute première fois en vedette dans un rôle principal, la diaphane beauté de Catherine Deneuve est mise en valeur par Demy (qui en fera sa muse pour 4 films) et sa blondeur incandescente imprime durablement nos mirettes. A ses côtés, le beau Nino Castelnuovo, marquant dans le rôle du garagiste amoureux et qui aura du mal ensuite à conduire une carrière vraiment satisfaisante. Anne Vernon joue quant à elle la mère, mise en plis parfaite, bourgeoise inquiète pour l’avenir de sa fille (et du sien). Cette corolle multicolore se refermant sous la neige et écrasée par la désillusion a, mine de rien, emballé le festival de Cannes et repartit carrément avec la Palme d’Or.
ANNEE DE PRODUCTION 1964.