Paris, juillet 1942. Edmond Batignole, petit charcutier, s’accommode tant bien que mal de l’Occupation allemande. Jusqu’au jour où le sort d’un petit garçon juif, Simon, l’oblige à s’engager et fait de lui un héros ordinaire, presque malgré lui…
Après moults comédies (Pinot Simple Flic, Sans peur et sans reproche, etc…), Gérard Jugnot a commencé à injecter une part de drame dans ses sujets: à l’image de Casque Bleu, description de touristes pris dans la tourmente d’une guerre civile, ou Une Epoque Formidable sur la condition des sans abris. Avec Monsieur Batignole, il situe son récit dans la sombre période de l’Occupation et se donne le rôle d’un citoyen ni bon ni mauvais, un simple quidam tentant de survivre avec son métier de charcutier, préférant fermer les yeux sur les arrestations en cascade de juifs et ne se « mêlant » pas de politique selon ses dires. L’arrivée d’un jeune garçon échappé des griffes des nazis va bouleverser ses certitudes et devenir un « juste ». Obligé de faire le bien, puisque personne ne veut le faire à sa place. Jugnot tisse des dialogues ciselés et un scénario certes programmatique avec un vrai sens du cinéma populaire: les bons sentiments ne manquent pas à l’appel, mais ils sont amenés avec une tendresse réelle, un sens du rythme, un habile dosage entre rires et larmes. Saluons aussi la reconstitution du Paris occupé, finement observé, entre ses résistants discrets et ses affreux collabos. En montrant combien un homme ordinaire devient avec les circonstances de la vie une sorte d’ange gardien, Monsieur Batignole s’inscrit dans la catégorie des comédies dramatiques crédibles et ne prend pas les spectateurs pour des idiots. Cette honnêteté dans le traitement va de pair avec une distribution généreuse.
Jugnot donc en tête de liste excelle dans le registre du beauf au grand coeur (même si on l’avait déjà vu endosser ce type de rôles). Plus épatant: la prestation de Jean Paul Rouve, en gendre collabo et écrivain raté, dans un de ses premiers gros éclats dans un long métrage. Le tout jeune Jules Sitruk, regard profond, bouille d’enfant éveillé, incarne le petit juif très en avance pour son âge. Et puis, il y a une cohorte de seconds rôles à applaudir: Ticky Holgado, Michèle Garcia, Sam Karmann, Elisabeth Commelin. Si l’on ferme les yeux sur certains clichés et quelques raccourcis psychologiques, ce Monsieur Batignole ne serait il pas le meilleur film de réalisateur de Gérard Jugnot finalement?
ANNEE DE PRODUCTION 2002.