Dans la banlieue de Boston, deux fillettes de 6 ans, Anna et Joy, ont disparu. Le détective Loki privilégie la thèse du kidnapping suite au témoignage de Keller, le père d’Anna. Le suspect numéro 1 est rapidement arrêté mais est relâché quelques jours plus tard faute de preuve, entrainant la fureur de Keller. Aveuglé par sa douleur, le père dévasté se lance alors dans une course contre la montre pour retrouver les enfants disparus. De son côté, Loki essaie de trouver des indices pour arrêter le coupable avant que Keller ne commette l’irréparable…
Avec son cinquième long métrage, le réalisateur québecquois Denis Villeneuve marche sur les pas de David Fincher (Seven, Zodiac), interroge la banalité du Mal et livre un thriller sombre et anxiogène à souhait. Prisoners évoque l’enlèvement de deux petites filles et la quête acharnée d’un policier pour résoudre l’affaire, entretenant un suspense diabolique jusqu’au bout. Durant près de 2H30, le scénario use de tous les stratagèmes pour brouiller les pistes, nous baladant de contre vérités aux doutes les plus sérieux, confirmant la grande capacité de Villeneuve à élaborer une narration fournie, complexe, rarement binaire. D’ailleurs, au delà du thriller, la richesse du film se situe aussi dans l’étude de caractères avec des personnages fouillés comme ce père de famille tellement détruit par la disparition de sa gamine qu’il est prêt à verser lui même dans la violence la plus extrême, ou comme ce policier droit dans ses bottes ne lésinant sur aucun moyen disponible pour découvrir la vérité. Prisoners trace une peinture effrayante d’une Amérique perdue, d’êtres démolis de l’intérieur et animés par des pulsions terrifiantes (pédophilie, meurtres). Grâce à une mise en scène tenue et tendue à la fois, Villeneuve propose un voyage en enfer où l’espoir a bien du mal à trouver sa place… du moins jusqu’au dénouement somme toute convenu.
Un grand bravo à l’ensemble du casting, démentiel et fort bien dirigé: Hugh Jackman impressionne en père fou de douleur, Jake Gyllenhaal plus introverti campe le flic buté et en même temps extrêmement intuitif, Maria Bello et Viola Davis incarnent les deux mamans terrassées par l’absence de leurs enfants avec ce qu’il faut de dignité et n’en sont que plus poignantes. Enfin, Paul Dano joue un jeune homme limite autiste et suspect idéal. Prisoners échappe au manichéisme trop souvent présent dans les films policiers américains, sans oublier deux aspects cruciaux: le rythme haletant et les rebondissements inhérents au genre. Après Incendies, Denis Villeneuve prouve qu’il sait très habilement manier un cinéma grand public tout en gardant sa marque d’auteur.
ANNEE DE PRODUCTION 2013.