A Tours, Cécile Cassard perd son mari dans un brutal accident de la route. La voici veuve, la trentaine, seule avec son petit garçon, dont elle ne parvient plus à s’occuper. Elle semble vivre en dehors d’elle même. Elle confie l’enfant à une amie, puis part au hasard des routes jusqu’à Toulouse, où elle va tenter de se reconstruire…
Toute première réalisation de Christophe Honoré, ancien écrivain et critique, ce film porte en lui le talent naissant, mais déja visible de son auteur. Construit autour de ce personnage féminin à la dérive, prisonnière d’un impossible deuil, le récit débute par le quotidien envahi par l’absence du mari mort, et on entre de plein fouet dans un drame âpre, aux images noires, accentuant la morbidité du sujet. Les cadrages ressérés sur l’héroïne l’enferment d’autant plus dans sa condition de femme seule, au bord du suicide, et vivant sa douleur jusqu’à hurler. Honoré s’enfonce avec nous dans un nuit inquiétante, avec des plans nocturnes aussi beaux que troublants. Peu à peu, le film se dirige vers un retour à la lumière, symbolisant la venue d’un certain espoir. Après la première partie, la mise en scène devient un peu plus maniérée, toujours inventive, mais traitant moins frontalement le propos et dérivant sur des séquences théoriques, avec une économie de dialogues, des rencontres de hasard avec des hommes tous gays pour la plupart (comme si le désir sexuel n’allait pas faire partie de la résurrection de Cécile). A partir de là, quelques longueurs prennent le film en otage, ce qui est un peu dommage.
La vraie bonne raison d’exister de ce projet était de le monter avec une actrice aussi rare qu’intense, et Honoré ne s’est pas trompé sur ce coup là. Béatrice Dalle trouve là un de ses meilleurs rôles, en se fondant dans l’univers du futur réalisateur de Les Chansons d’Amour. Son jeu possède une belle évidence, elle sait émouvoir sans verser trop de larmes, elle sait aussi charmer sans se montrer gratuitement séduisante. Face à elle, Romain Duris, fort du succès de L‘Auberge espagnole, campe un jeune gay rêvant de l’amour avec un grand A et se défend assez joliment. Les moments de gaieté sont aussi très appréciables (surtout la séquence où Duris fait une imitation d’Anouk Aimée dans Lola de Jaques Demy). Poétique, parfois un peu vain, ce premier film imparfait sait en tout cas imposer un style, qu’Honoré n’a eu depuis de cesse de mettre en pratique.
ANNEE DE PRODUCTION 2002.