Brooklyn 1947. Stingo, un jeune écrivain rentré de la guerre, fait la rencontre et se lie d’amitié avec un couple, Nathan un juif à l’humeur très changeante et sa femme Sophie, une immigrée polonaise au comportement fragile, et semblant souffrir d’un lourd passé. Au fil du temps, Stingo s’éprend d’elle et va découvrir progressivement le parcours terrible de la jeune femme, ancienne rescapée des camps de concentration nazis…
Le réalisateur Alan J. Pakula, auteur des Hommes du Président entre autres, adapte le foisonnant roman choc de William Styron, et parvient à ne pas le trahir, et surtout à ne pas appauvrir ce récit ample et bouleversant d’une ancienne déportée d’Auschwitz, survivante de tous les siens. A travers le récit en voix off du narrateur Stingo relatant sa relation avec Sophie et son mari, on suit leur amitié, leurs disputes, leurs échanges, tout en pressentant comme un malaise, comme un secret non dévoilé et qui va éclater tôt ou tard. Le film est aussi un magnifique portrait de femme, émouvant, et évoluant dans une époque minée par l’antisémitisme et les ravages de la guerre. Pakula met l’accent sur des dialogues très écrits, assez denses, mais qui sont nécessaires au déroulement d’un scénario habile. Habile parce qu’il y a dans la première partie une certaine légèreté, une ambiance moins sombre que ce qui va suivre et qui entraine le spectateur dans l’horreur absolue.
Une sensibilité et un sens aigu du romanesque sont au diapason de cette belle oeuvre, merveilleusement photographiée par Nestor Almendros (le chef op attitré de Truffaut), et la reconstitution d’un New York fin des années 40 est tout à fait remarquable. Les deux acteurs masculins Peter McNichol et surtout Kevin Kline (pour la première fois à l’écran) s’avèrent excellents et tiennent la dragée haute à l’héroîne jouée par Meryl Streep. Elle est le pivot central du film, et accomplit un travail formidable sur sa diction et son accent polonais. Dans ses longs monologues, elle happe notre regard avec une intensité sans pareille. Déchirante et époustouflante, elle a trouvé là un de ses plus beaux rôles. Son Oscar de la meilleure actrice est venu en toute logique récompenser sa performance. Un très beau film, dur, terrible sur les traumatismes vécus par le peuple juif et qui ne doivent jamais être oubliés.
ANNEE DE PRODUCTION 1982.
