Pour faire face à des soucis financiers et obtenir son indépendance, une jeune trentenaire, Nelly, effectue plusieurs boulots. Un jour, par l’entremise d’une amie, Jacqueline, elle fait la rencontre d’un riche homme d’affaires retraité, Mr Arnaud, qui lui propose de dactylographier ses Mémoires. Elle accepte et se noue entre eux une relation à la fois tendre et ambiguë…
Cet ultime film du grand Claude Sautet marque un chant du cygne merveilleux pour ce cinéaste des émotions, des rapports humains et des sentiments exprimés ou enfouis. Délaissant les portraits de groupes qui ont fait sa gloire comme Vincent, François, Paul et les autres ou Une histoire simple , il tisse ici une insolite rencontre entre une jeune et jolie femme pleine de vie et désireuse de s’émanciper et d’un vieux monsieur revenu de tout et cultivant son amertume et son désenchantement. Bien au delà de l’ambiguité que leur relation va inévitablement connaitre, le réalisateur fait naitre aussi et surtout une tendresse, un lien indicible, entre deux générations et entre des êtres aux fêlures différentes, mais qui s’apportent chaleur humaine et écoute. Le scénario signé Jacques Fieschi est d’une impeccable tenue, entre incommunicabilité, confidences, désirs amoureux et problèmes sentimentaux. Le ton, entre comédie douce amère et drame feutré, nous emporte vers des sommets de pudeur retenue, de délicatesse et de rigueur. Sautet savait comme personne parler de nos tourments, avec simplicité, franchise et sans jamais tomber dans la vulgarité ou la facilité.
Ce qui est admirable aussi, c’est l’extrême soin apporté au cadrage, les plans semblent couler de source, les regards pesant lourd dans des images explicitant souvent ce qui n’est pas dit par les mots. Au premier abord, ce dernier long métrage pourrait à tort donner la sensation d’un récit un peu sec et aux accents cruels, mais ne nous y trompons pas, la finesse et la sensibilité gardent la main tout le temps, même sans un bruit, sans un fracas. Est ce que ce Mr Arnaud est trait pour trait le Claude Sautet intime? A t’il pensé à une sorte d’autobiograhie testamentaire? La réponse importe peu au fond, ce qui est certain c’est qu’il a trouvé en Michel Serrault un alter ego remarquable, et rarement l’acteur ne fut plus émouvant. Il reçut le César de la meilleure interprétation, tout à fait mérité. Face à lui, Emmanuelle Béart, filmée au plus près et rappelant un peu la Romy au chignon des années 70, impose une présence très forte, faite de charme et de sensualité. Tous les seconds rôles enfin (Berling, Anglade, et Michael Lonsdale dans un personnage énigmatique) finissent de conquérir notre jugement déjà très positif. Du cinéma magnifique et dont l’auteur manque tant aujourd hui.
ANNEE DE PROUCTION 1995.