Un vieux couple, Clémence et Julien Bouin, vit une retraite orageuse. Lui, la soixantaine est un ancien ouvrier typographe, elle la cinquantaine a dû renoncer à son métier d’acrobate de cirque, suite à une mauvaise chute. S’ils se sont aimés jadis, ils ne se supportent plus et ne s’adressent plus la parole. Un jour, Julien ramène un chat perdu qui va devenir l’objet de toutes ses attentions. Jalouse, Clémence tue le chat…
Pierre Granier Deferre , excellent réalisateur de films solides des années 70/80, a sûrement atteint le zénith de son talent avec ce fameux Chat devenu un classique du cinéma français. En adaptant un roman sombre et cruel du grand Simenon, il situe l’action dans la banlieue de Courbevoie, au milieu d’un quartier en démolition, dans lequel les chantiers font un boucan infernal du matin au soir. Et il met en scène ce couple vivant sous le même toit, mais sans l’amour qui les unissait autrefois. Le temps a détruit leur complicité, les années ont effacé leur attachement et désormais, ils se mènent une guerre larvée, entre lourds silences et affrontements de personnalités. Granier Deferre n’est jamais intrusif entre ces deux protagonistes, il les filme en les observant délicatement, montrant leur quotidien usé par l’aigreur et le ressentiment. Il aborde le thème de la vieillesse (rarement traité à l’écran), des relations de couple quand le désir physique a disparu et dans une ambiance froide, il nous rend témoin de la déliquescence des sentiments.
Ce drame en vase clos ne serait que tristesse et noirceur sans l’interprétation de son duo mythique Simone Signoret/Jean Gabin, réunis ici pour la première fois. Elle, vibrante, éclatante de maturité assumée et émouvante comme jamais. Lui bourru, enfermé dans ces certitudes et magnifique de justesse. Leur charisme bestial trouve à chaque instant l’alchimie nécessaire à des rôles difficiles qu’ils endossent avec grandeur. Au détour de quelques éclats de voix (la séquence d’engueulade dans l’escalier est anthologique), le peu de dialogues et le silence assourdissant pourrait rebuter et pourtant Granier Deferre réussit à bouleverser avec son récit sec comme un coup de trique. Au delà du nihilisme final, le sentiment d’avoir vu un film immense nous envahit.
ANNEE DE PRODUCTION 1971