A la veille de fêter ses 78 ans, mais aussi tout proche de la mort, Clive Langham, un écrivain célèbre, élabore dans sa tête sa dernière oeuvre, faite de souvenirs de sa propre vie et de rêves dans lesquels il mélange sa famille et des personnages de ses fictions…
Tout comme à son habitude, le réalisateur d’Hiroshima mon amour et de Muriel s’amuse à jouer avec la structure même de son récit, fait des bribes de la mémoire de ce vieux romancier agonisant, et confondant allégrement le passé, le présent, ses propres enfants et les protagonistes d’un livre en train de s’écrire, dans son esprit encore créatif. Forcément donc, les séquences déroutent par leur apparente « incohérence » et il faut constamment tenter de remonter le puzzle mental et tordu qui s’offre à nous. C’est un film audacieux sur la création littéraire, sur les bizzareries d’un auteur en pleine confusion, et Resnais se délecte de nous embourber dans ce monde à la fois virtuel, irréel, et plonge dans un imaginaire plus qu’opaque. Cette manière de présenter son histoire lui donne un aspect certes original, mais au bout de 45 minutes, le spectateur ne parvient plus à suivre convenablement ce tour de passe passe assez irritant. La lenteur redoutable de l’entreprise commence alors à prendre le dessus sur l’ambition de départ.
Glacial sans être austère, Providence rappelle une autre oeuvre de Resnais Je t’aime Je t’aime , où le personnage principal nous entrainait aussi dans les méandres de son cerveau torturé et fourmillant de souvenirs entremêlés. Ici, un identique sentiment d’étouffement et de perplexité envahissent l’ensemble. Le futur auteur de On connait la chanson ne cherche en rien une logique, il suit son instinct de cinéaste et soigne son esthétique (les lumières très surréalistes font penser à un songe éveillé) et s’en remet à son scénariste David Mercer pour faire briller des dialogues très écrits. La poésie et la magie d’Hiroshima n’opère pas autant cette fois, malgré un casting international élégant (John Gielgud, Dirk Bogarde et Ellen Burstyn sont admirables) et une belle musique signée Miklos Rozsa, soulignant le caractère funèbre sous jacent. Les images bucoliques et ensoleillées des vingt dernières minutes ne trompent personne: la mort rôde bel et bien! 7 César (dont celui du Meilleur film et du scénario) sont venus couronner ce film surestimé, qui a des qualités évidentes, mais que l’on a le droit de trouver trop intello.
ANNEE DE PRODUCTION 1977.