Paul dirige un prospère hôtel qu’il vient de racheter, dans une jolie région du Sud Ouest. Son épouse, Nelly, est une belle jeune femme et leur fils, un charmant bambin. Le couple est très amoureux. Pourtant, Paul commence à mal dormir, quelque chose l’oppresse. Il se met à regarder sa femme autrement, puis bientôt la soupçonne de toutes les infidélités possibles… La jalousie maladive ne fait que commencer…
Trente ans après le projet avorté de Henri Georges Clouzot, Claude Chabrol reprend de zéro le scénario et tourne sa propre version de L’Enfer. Situant son intrigue dans un beau petit village provençal, le réalisateur de Poulet au vinaigre choisit une photographie délibérément très claire, un soleil permanent accompagne la plupart des séquences extérieures, en contraste total avec l’état mental de plus en plus sombre de Paul, ce personnage tourmenté et pris dans un vrai délire paranoïaque, autour de sa femme. Sa jalousie obsessionnelle prend de plus en plus de place et grignote sa raison, son bon sens, et bien entendu ronge son couple de l’intérieur. Chabrol traque cet homme avec sa caméra, comme pour tenter de rentrer dans son psychisme malade, rendant le spectateur témoin de ses voix intérieures, jusqu’à donner le vertige. La perception des sons, des situations est vue sous le prisme déformant du regard de Paul, intimement convaincu d’être trompé, et perdant pied face à la réalité. Le récit fait froid dans le dos, car la violence d’abord psychologique, finit par devenir physique. Au fur et à mesure que l’on avance, on a parfois le sentiment de répétitions et de séquences « en double », là est sûrement la petite faiblesse d’un film par ailleurs assez maitrisé dans sa mise en scène.
Tandis qu’Emmanuelle Béart irradie de beauté et de sensualité ( à la fois exacerbée et plus inconsciente), son partenaire François Cluzet glisse subrepticement dans la folie avec un parfait dosage de nuances. Il est inquiétant à souhait et son chaos intérieur est rendu de manière très crédible. Cette implacable progression dans le déséquilibre a quelque chose d’hitchcockien et même si Chabrol ne réalise pas là son meilleur opus, il n’en demeure pas moins inspiré par son sujet. La fin paraitra être une pirouette à certains, pourtant elle symbolise aussi les tourments intérieurs d’un esprit dérangé.
ANNEE DE PRODUCTION 1994.
Nice