Bucarest, 1987. Gabita, une étudiante, est enceinte de plus de quatre mois. Elle demande à son amie Otilia de l’aider à rencontrer un avorteur clandestin. Celle ci accepte: avec détermination, elle s’emploie à lever les obstacles et organiser l’avortement, alors qu’en même temps elle doit participer à un diner de famille chez son fiancé. Otilia accompagne Gabita dans une chambre d’hôtel, où les rejoint le cynique Dr Bébé: l’homme ne veut pas se contenter d’argent et exige d’être payé en nature…
L’intrigue de cette oeuvre forte et frappante se situe sous le régime communiste de Ceausescu, dans la décennie 80. L’avortement y était bien sûr totalement illégal et très sévèrement puni. Le réalisateur roumain Cristian Mungiu ne fait pas un simple film à thèse contre la dictature, mais bien un plaidoyer en faveur des libertés individuelles, étouffées par la dictature en place. Pour rendre sa mise en scène encore plus percutante, il choisit justement de ne pas multiplier les effets, et utilise une image sombre, une lumière dure, et surtout des plans frontaux. Pour ce sujet grave, il élimine tout pathos, tout affect, et son traitement direct, à la sécheresse rude, fait de son film un vrai coup de poing dans l’estomac. Le scénario, serré et tendu, joue avec nos nerfs et nos émotions, tout en provoquant une révolte muette en nous. Ces jeunes filles obligées de se cacher et d’endurer la pression psychologique de leur acte nous touchent infiniment.
Les longs plans séquences composent l’essentiel de cette réalisation sans ellipses qui paraitront peut être trop pénibles à certains spectateurs. Pourtant, ce procédé se révèle justement idéal pour nous rendre témoins impuissants du drame qui se noue. Certaines scène sont éprouvantes comme celle de la négociation violente entre les deux femmes et l’ordure ordinaire qui se sert de leur détresse. Construit comme un thriller à suspense, le film a quasiment des allures documentaire dans le constat froid qu’il fait du contexte historico politique. Enfin, l’intensité générale trouve son point culminant dans l’interprétation magistrale d’Annamaria Marinca en amie dévouée et courageuse, constamment sous tension. Mungiu a remporté une Palme d’Or amplement méritée pour son drame sidérant de maitrise.
ANNEE DE PRODUCTION 2007.
