Ryotu, architecte obsédé par la réussite sociale, ne s’intéresse à Keita, son petit garçon de six ans, que pour ses résultats scolaires, et comme le gamin ne semble pas hériter du gêne de l’excellence, il en est fortement contrarié. Un jour, il apprend par la maternité où sa femme a accouché que l’enfant a en fait été échangé à la naissance, contre celui d’une famille plus modeste. Il fait alors ce qui est en son pouvoir pour accueillir sous son toit, celui qui est vraiment son fils, Ryuse. Les choses ne se passent évidemment pas tout à fait aussi simplement que ça…
Le japonais Kore Eda Hirokasu a écrit et réalisé ce film miraculeux de justesse et de tendresse, en contant cette histoire incroyable d’échanges d’enfants à la naissance, et élevés chacun dans la famille de l’autre. Un sujet qui avait fait l’objet d’une comédie désopilante signée Etienne Chatilliez, La Vie est un long Fleuve Tranquille, mais ici le ton est beaucoup moins à la rigolade et le traitement délicat et poignant qu’en fait le réalisateur de Nobody knows donne un résultat d’une grande délicatesse. Soulevant des questions profondes: qu’est ce qu’être père au juste? Est ce se contenter d’être un simple géniteur et déléguer l’éducation à sa femme et consacrer davantage de temps à son travail qu’à son propre fils? Est ce que les liens du sang comptent plus que les années passées à accompagner un enfant dans son éducation quotidienne? Kore Eda gratte le vernis des apparences, va chercher à dénicher la vérité enfouie, n’oubliant jamais de placer ces deux fils au centre du récit, pour ne pas en faire qu’une problématique d’adultes. Avec des images soignées et élégantes, des situations à mi chemin entre le drame gai et l’observation de la cellule familiale et une musique de Bach très à propos, Tel père, tel fils explore l’importance de la filiation avec tact et sans donner de réponses hâtives ou définitives.
Ce magnifique mélodrame est interprété par des comédiens au jeu nuancé (notamment Masaharu Fukuyama et Machiko Ono, le couple principal), avec une mention spéciale pour les deux petits gosses sensationnels, dont Keita Ninomiya. Ce Japon contemporain, excessivement matérialiste, offre décidément au cinéma des oeuvres magiques et pleines d’humanité. Le dernier quart d’heure comporte des scènes d’une implacable émotion, et il faudrait vraiment avoir un coeur de pierre pour ne pas être infiniment touché. Prix du Jury à Cannes pour ce petit bijou, à voir séance tenante!
ANNEE DE PRODUCTION 2013.