Cruellement déçu dans son amour pour Yvonne Vincent, le député Julien Boissel se rend au Moulin Rouge et se laisse séduire par une expérience de magnétisme inédite, pratiquée par un étrange docteur, consistant à séparer l’âme du corps. Le « fantôme » comprend alors la raison de l’indifférence de sa bien aimée: son père est victime d’un odieux chantage.
Un des grands réalisateurs français d’avant et d’après guerre, René Clair, a démarré sa carrière au temps du muet et porté sur le genre fantastique a initié ce curieux film très rare, méconnu, dont une copie en très mauvais état a été restaurée par Lobster Films en 2019. Sur une idée saugrenue et lorgnant même vers la comédie, le récit de ce Fantôme fourmille de péripéties, de facéties visuelles et prend pour prétexte un hypnotiseur pour nous raconter une histoire à dormir debout. Le futur réalisateur du Million et de Sous les Toits de Paris témoigne d’inventions formelles encore balbutiantes au milieu de ces années 20, et ce même s’il s’inspire de Méliès (pour la magie des trucages) et fait un clin d’oeil évident au fameux Fantôme de l’Opéra (sauf que ce dernier inspirait plus l’épouvante que la distraction). En France, les tentatives de cinéma fantastique n’ont jamais été concluantes ni couronnées de succès, pourtant des cinéastes comme Franju ou Clair avec ce film s’y attèle avec audace.
L’auteur reviendra presque vingt ans plus tard dans cette veine « surnaturelle » avec son oeuvre américaine Ma Femme est une Sorcière. On peut juste déplorer des longueurs dans la narration, ainsi qu’un jeu « outré » des acteurs dont Albert Préjean, le muet était souvent synonyme d’emphase dans les interprétations, il fallait surligner les expressions, par manque de mots. L’aspect ludique et facétieux prend plus nettement le dessus dans la dernière partie, où l’action se déroule notamment dans une morgue, juste avant une autopsie, et ce décalage apporte une légèreté bienvenue. Cette fantasmagorie reste davantage une curiosité qu’un grand film, mais quand on pense qu’elle a presque 100 ans, c’est assez émouvant.
ANNEE DE PRODUCTION 1925.
