La vengeance d’une jeune femme, Sylvie Rousseau, qui n’hésite pas à se substituer à son frère, puis à s’opposer à sa mère, afin de faire toute la lumière sur la mort de son père. Annoncé comme accidentel, ce décès serait en fait un meurtre…
Jacques Rivette fut un des chefs de file les plus acharnés de la Nouvelle Vague, même si son cinéma moins commercial et plus « confidentiel » que celui de Truffaut ou Chabrol demeure tout à fait remarquable et à redécouvrir. Egalement très cinéphile et critique avant de passer à la réalisation, il rend un hommage à sa façon à deux de ses maitres, Fritz Lang et Alfred Hitchcock et livre avec Secret Défense un film policier, où la recherche de la vérité devient le moteur essentiel du récit, scénarisé avec l’aide de Pascal Bonitzer. Librement inspiré du mythe d’Electre, Rivette compose une tragédie grecque avec cette histoire de famille engluée dans ses secrets, et plus particulièrement un frère, une soeur et leur mère. La suspicion et la culpabilité passent de l’un à l’autre, les masques tardent à tomber, pendant ce temps le spectateur suit leurs faits et gestes, avide de réponses. Avec une science exacte du détail, l’auteur de Le Pont du Nord étire son récit à l’extrême, au risque de frôler l’ennui (2H50 de projection!!), s’attachant à suivre ses personnages dans leurs actions au quotidien, dans leurs déplacements (en cela, la séquence du voyage en TGV semble ne rien nous raconter, si ce n’est scruter les attitudes de Sylvie et accompagner ses actes à venir).
Alors, évidemment, ceux qui s’attendent à un polar musclé au suspense insoutenable, vont rester largement sur leur faim! Ici, il s’agit davantage de psychologie et comme la vérité se dérobe sans cesse, les protagonistes se rattachent comme il peuvent à leurs convictions. D’un point de vue dramaturgique, la durée permet de préparer le terrain de manière plus réfléchie, en évitant les ellipses, Rivette se donne le temps de filmer à son rythme. Au centre, Sandrine Bonnaire porte tout sur ses épaules, admirable de vérité et retrouvant son metteur en scène de Jeanne la Pucelle. Les autres comédiens (Jerzy Radzwilowicz, Grégoire Colin et Laure Marsac) sont aussi très compétents, mais on ne voit surtout que Sandrine! Les différentes révélations tardives, censées apporter la solution, pointent leur nez lorsqu’on a saisi que le but du cinéaste est surtout de créer un mystère. Le résoudre l’indiffère presque.
ANNEE DE PRODUCTION 1998.