L’été. Sur les bords d’un lac, une crique abrite une plage où se retrouvent des homosexuels, pour des moments de drague et de plaisir. Franck se lie d’amitié avec Henri, un homme seul qui se tient à l’écart, et tombe amoureux d’un certain Christophe, un beau mec secret et plus distant. Un soir, Franck assiste au meurtre par noyade d’un autre homme et voit que l’assassin est ce Christophe. Malgré cela, il reste irrésistiblement attiré par lui et multiplie les rendez vous avec lui… La police commence à s’en mêler…
Originaire de l’Aveyron, Alain Guiraudie signe là son troisième long métrage et celui qui, à ce jour, reste son plus grand succès. Il choisit pour décor un lieu unique (une plage en partie naturiste), gouverné par des rencontres de passage, des relations homosexuelles se font et se défont, de la séduction aux étreintes immédiates et au sexe pur et dur. Il suit les affres de son héros masculin, venant là pour trouver de l’échange, du plaisir, de la détente. Guiraudie ne fait pas l’impasse sur les séquences de sexe filmées frontalement (son cinéma montre toujours de la nudité et le récit le justifie pleinement), avec une belle lumière et des images ensoleillées, où va pourtant se jouer un drame. La trame policière vient installer une angoisse sourde, un danger tapi dans cette nature chatoyante, et transformant ce petit paradis terrestre en enfer inquiétant. Avec des cadrages répétitifs et un rythme plutôt lent, le cinéaste nous entraîne du désir charnel à la fascination pour le Mal, comme son protagoniste principal, inexorablement attiré par un homme pourtant capable du pire.
Délaissant la voie de l’humour qu’il emploie habituellement, Guiraudie se veut plus grave, plus sombre, et l’intrusion d’un meurtrier puis de la police dans ce huis clos extérieur dédié aux plaisirs fait basculer le film dans un thriller. Un thriller réaliste décrivant un monde peu connu du grand public (les lieux de drague gays), mais construit de manière très épurée, sans effets de suspense gratuits ou d’action « superficielle ». Dans son premier rôle important en tête d’affiche, Pierre Deladonchamps joue cet homme guidé aveuglément par sa passion face à Patrick d’Assumçao, un bon acteur que l’on reverra ensuite dans L’Apparition ou Normandie Nue. Dans notre époque de régression des esprits sur les sujets du sexe, cet Inconnu du Lac flanque un coup de pied magistral au conformisme et ancre définitivement Guiraudie dans le paysage à part du cinéma français.
ANNEE DE PRODUCTION 2013.
