Phil Green, un journaliste, enquête sur l’antisémitisme aux Etats Unis et doit rendre des articles sur le sujet. Pour mieux cerner la problématique, il se fait passer pour juif. Il se heurtera à de nombreux problèmes et ressentira ce mur invisible que la société oppose plus ou moins subtilement aux Juifs…
Avant de signer ses plus grands chefs d’oeuvre dans la décennie 50 (Un tramway nommé Désir, Sur les quais) ou début 60 (La Fièvre dans le sang), Elia Kazan dirigea ce film moins connu, sous l’impulsion du producteur Darryl F. Zanuck. Leur but avec ce récit d’un homme se faisant passer pour Juif? Interroger clairement l’intolérance silencieuse et ordinaire tapie chez les gens les plus respectables, les plus soit disant « ouverts » aux autres, ceux qui prétendent ne pas être racistes, mais qui par leur comportement de lâcheté encouragent les attitudes des plus virulents ou de ceux qui ne se cachent pas de leurs opinions nauséabondes. Kazan dénonce surtout les élites progressistes s’en tenant seulement à de l’indignation ou à des discours théoriques. C’est d’ailleurs la différence nette entre le héros et la femme qu’il souhaite épouser: leurs disputes vient du fait que lui combat avec virulence l’antisémitisme, tandis qu’elle s’en offusque juste de manière orale, sans agir concrètement derrière. Ce Mur invisible, c’est donc aussi celui qui sépare ces deux êtres pourtant sincèrement amoureux l’un de l’autre. Avec une écriture subtile, Kazan tend à démontrer de façon « choc », et il n’y parvient pas toujours, faute à une réalisation « entre deux eaux ». D’un côté, le script n’évite pas le manichéisme (les « bons » contre les « méchants » qu’Hollywood traite souvent sans nuances), d’un autre il essaye au maximum d’être à la fois didactique (notamment pour l’enfant du héros encore jeune et innocent) et complexe dans la peinture de ses personnages.
Malgré ces réserves faites (et aussi sans doute à cause d’une happy end un peu expéditive), le film se distingue par deux qualités majeures tout à fait notables: l’interprétation d’une part: Gregory Peck en journaliste obstiné et rageur compose une très belle partition d’acteur, John Garfield, ce comédien si talentueux et qui sera plus tard brisé par Hollywood pour ses sympathies communistes, joue l’ami d’enfance du héros, et enfin Céleste Holm, parfaite en vipère jalouse (elle obtint l’Oscar du meilleur second rôle). D’autre part, il faut absolument saluer le courage de Kazan d’avoir traité ce sujet tabou, juste au lendemain de la Shoah. Le Mur Invisible gagna aussi l’Oscar du Meilleur Film, certainement pour remercier le réalisateur d’avoir osé défier l’antisémitisme galopant à l’époque. Et encore aujourd’hui??
ANNEE DE PRODUCTION 1947.