Comme la goutte d’eau qui fait déborder le vase, Ann voit un soir Thomas, son compagnon, en embrasser une autre, et décide de le quitter. De tout quitter: lui et sa vie, son travail de pianiste… Même la musique qu’elle aime tant ne la retient pas. Avec l’amitié de George, surgi de son enfance, elle rompt et fuit, part à la rencontre de ses origines et de son destin…
Dans la liste des longs métrages réalisés par Benoit Jacquot, un de nos réalisateurs les plus prolifiques, cohabitent des films moyens, des loupés, des réussites incontestables. Cette adaptation du roman de Pascal Quignard est plutôt à ranger dans la catégorie des opus notables et positifs. Partant d’un pitch infiniment simpliste, Villa Amalia emprunte plusieurs routes afin de mieux cerner la complexité du caractère de son héroïne: brutale, sèche et radicale dans sa façon de tirer un trait sur ses amours, son existence, son passé, Ann passe pour une femme sans coeur, ou alors en panne de sentiments et la première partie du récit nous entraine sur une piste dramatique. On sent chez elle une urgence à découvrir qui elle est au fond, d’où elle vient, et avec un minimum d’explications, elle change de vie, effaçant toute trace tangible, comme pour changer d’identité. Ce cinéma austère peut irriter par son manque volontaire de psychologie, par l’absence d’enjeux, nous invitant juste à suivre une trajectoire, naviguant à vue, vers un inconnu intriguant. Jacquot glisse ensuite vers un voyage intérieur et dépaysant, une sorte d’évasion visuelle et sensorielle, au petit bonheur la chance… Par ses cadrages, ses ellipses, la beauté de la photographie et au son du déchirant O Solitude de Purcell, Villa Amalia nous porte vers un ailleurs séduisant, en direction de la lumière, comme si les sombres images du début n’étaient plus qu’un lointain souvenir.
Très joli portrait féminin en rupture et en fuite pour mieux recommencer sa vie, le film repose en grande partie aussi sur son actrice principale, Isabelle Huppert, une habituée dans l’univers de Jacquot (Les Ailes de la Colombe, L’école de la chair). Elle incarne son rôle d’une merveilleuse façon, toute en intériorité, en larmes aussi (elle sait comme personne les laisser couler), et en sérénité retrouvée au fur et à mesure du récit. Face à elle, Jean Hugues Anglade campe l’ami d’enfance avec beaucoup de finesse, rappelant quel brillant acteur il fut les deux décennies précédentes. Le dernier tiers, un brin expéditif et censé nous éclairer sur les traumatismes d’enfance de l’héroïne, plombés par des dialogues sursignifiants, gâchent un peu la plénitude installée par les paysages sublimes de la Côte Italienne. On ne regrette pas pour autant le périple.
ANNEE DE PRODUCTION 2009.