Los Angeles, 1926/1928. Récit d’une ambition démesurée et d’excès les plus fous, l’ascension et la chute de plusieurs personnages lors d’une révolution artistique, voyant le cinéma muet céder la place au parlant…
En 2017, le franco américain Damien Chazelle avait enchanté la planète cinéma avec LaLaLand. Une comédie musicale hors normes que l’on a pu trouver soit magnifique, soit surestimée. En tout cas il y imposait déjà son style et sa cinéphilie incontestée. Son nouvel opus mériterait bien des adjectifs pour le décrire: excessif, bruyant, tonitruant, explosif, etc etc…En racontant ce moment charnière où le muet fut remplacé par l’arrivée du parlant, Chazelle filme un Hollywood débauché, pétri de personnalités et de comportements les plus fous, à travers principalement deux personnages (un acteur installé et une nouvelle venue charismatique) qui vont passer de la gloire à la décadence la plus totale. Babylon assume son gigantisme permanent, son brio visuel époustouflant, enchainant des séquences toutes plus inventives les unes que les autres. Quitte à en faire trop, le réalisateur veut mêler à la fois la nostalgie d’une époque, la cruauté d’un système, la futilité du monde du spectacle et fait preuve d’une imagination débordante, alliant aussi bien la comédie pure que le drame le plus sombre. Film fleuve aux multiples références (Le Chanteur de jazz, Chantons sous la pluie, Irving Thalberg, etc…), il ne cherche pas non plus à compiler les incontournables faits de ces années 27 à 32, mais ravive la mémoire sur les pionniers d’un Hollywood en pleine mutation, presque dépassés par leur invention.
Comme Tarantino l’a fait avec Once Upon a time…, Chazelle reforme le couple Brad Pitt/Margot Robbie: lui incarne de nouveau un acteur, et il est emballant de bout en bout, montrant même des nuances d’expression encore inédites. Elle, autre bombe atomique, ultra expressive, confirme qu’elle peut jouer sur des registres variés et compter parmi les futures grandes stars de demain. Chazelle pointe avec pertinence comment le progrès que représentait le parlant a rebattu toutes les cartes de l’industrie, brisé des carrières et des vies, broyé des artistes relégués à l’oubli et à la ruine. Cette face sombre tranche évidemment avec les paillettes, les rêves éternels portés par la magie du 7e Art. Sur une durée là aussi excessive (et pourtant justifiée) de 3H10, le spectateur en prend plein les yeux, les oreilles et chaque plan transpire le besoin viscéral de transmettre l’amour du cinéma et son pouvoir de fascination. On sort aussi essoré qu’après plusieurs tours de Grand Huit, heureusement ébloui par la virtuosité phénoménale de cette tragédie fiévreuse et baroque.
ANNEE DE PRODUCTION 2023.