Karen Wright et Martha Dodie, amies d’enfance, gèrent ensemble un pensionnat privé de jeunes filles. Après une banale altercation avec l’une d’elles, Mary, une jeune élève mythomane, cette dernière se met à colporter une terrible rumeur: Karen et Martha auraient une relation lesbienne. Un mensonge qu’elle fait d’abord à sa grand mère qui s’empresse de le divulguer aux parents des pensionnaires. Les conséquences vont être dévastatrices pour les deux femmes…
La Rumeur (Children’s Hour dans son titre original) se trouve être la seconde adaptation sur grand écran de l’oeuvre de Lillian Hellman, après Ils Etaient Trois en 1936. Jouée sur scène après une longue période de censure, Broadway lui réserva au préalable un triomphe. Et c’est William Wyler, réalisateur confirmé de Vacances Romaines et de Ben Hur, qui prend les rênes de ce remake, avec une audace remarquable pour l’époque: en effet, le thème de l’homosexualité féminine était encore un sujet frileux dans une Amérique horriblement puritaine et rétrograde, capable d’une terrible violence psychologique envers « ceux et celles » qui osaient sortir du rang. Wyler entend également dénoncer la cruauté de l’enfance, du pouvoir destructeur du mensonge et des retombées d’une rumeur non seulement sur celles qui en sont victimes, mais aussi sur leur entourage. Il colle au plus près du texte d’Hellman et cette fidélité est toute à son honneur; à contrario, il ne fait pas preuve d’une grande inventivité dans sa mise en scène, trop théâtrale, et suivant de façon trop « cadrée » ses héroïnes plongées en plein drame. Il utilise l’espace clos de ce pensionnat comme une véritable prison physique et mentale, rendant l’atmosphère étouffante, et hormis dans certains dialogues évoquant une « relation contre nature », tout ou presque tient du non dit et du non montré: ainsi, on ressent bien sûr le trouble de Martha pour Karen, l’attachement indicible, sans jamais tomber dans la démonstration. Cette pudeur s’explique évidemment par les moeurs peu libérées du début des années 60.
Deux grandes stars ont accepté de tenir ces rôles difficiles au moment où leur carrière était à leur apogée et leur tandem explique en partie la réussite de ce beau film. Shirley Mac Laine, nuancée dans son jeu introspectif rend parfaitement le mal être qui la ronge. Audrey Hepburn, tout juste sortie de Diamants sur Canapé, irradie par son sourire lumineux et ses larmes bouleversantes et tient là une de ses compositions les plus fortes. Entre elles, le seul homme de l’intrigue et prétendant de Karen, joué par James Garner, un comédien plus habitué à l’univers du western ou de l’action, complète joliment la distribution. Enfin, la jeune Karen Balkin, dont c’est l’unique apparition au cinéma, peut se vanter de camper une véritable gamine tête à claques. Ce mélodrame conserve une puissance quasi intacte, au mépris des années.
ANNEE DE PRODUCTION 1961.