Désespéré par l’abandon de son chien, Boudu, un clochard, se jette dans la Seine. Un libraire aux idées généreuses le repêche et lui sauve la vie in extremis. Il tente ensuite de le racheter socialement, mais Boudu sème la perturbation chez l’infortuné libraire, salopant son appartement, courtisant la bonne puis son épouse. Mais quand on veut marier Boudu à la bonne, il se débrouille pour ne pas assister à la noce…
Un an tout juste après le triomphe de La Chienne, un drame désespéré sur un homme tuant sa petite amie dans un accès de folie, Jean Renoir retrouve son acteur fétiche d’alors, Michel Simon, bien décidé à l’employer dans une comédie. Pour ce faire, il adapte une pièce de Fauchois, à la fois en restant fidèle à l’esprit d’origine et en modifiant tout de même le caractère radical de son personnage titre. Boudu est la rencontre choc de deux mondes totalement opposés: celui de ce clochard, primaire et « naturel » jusqu’à l’obscène, ne respectant rien à commencer par lui même, et celui de ce bourgeois aux bonnes intentions mais bien trop propre sur lui. Renoir se délecte de confronter ces deux humanités là et les observe se renifler, se sonder, ce qui occasionne des dialogues savoureux, des situations ubuesques, et la cocasserie répond présente tout au long de cette farce, excellement dirigée. Renoir fait preuve d’une mise en scène très moderne pour l’époque, anticipant un peu les futurs techniques de La Nouvelle Vague avec des séquences tournées en extérieur, en son direct et loin des studios que la majorité des cinéastes utilisaient par esprit pratique. De ce point de vue là, il évite en prime de tomber dans le théâtre filmé que le texte prévoyait.
Boudu s’autorise toutes les outrances et sa nature irrévérencieuse a pu « choquer » dans ces années 30 encore prudes, pourtant il sait aussi se montrer drôle, attachant, en dehors de toutes les conventions établies. En somme, c’est un peu l’apologie d’une certaine idée de la liberté que Renoir entend glorifier. Michel Simon a su faire rentrer son personnage au panthéon des rôles inoubliables, un SDF bouffon et capable de tout, alors que celui qui incarne le bourgeois Edouard Lestingois, l’acteur Charles Granval, lui n’a pas imprimé les mémoires. En foutant un grand coup de pied dans une bourgeoisie trop rigide qu’il détestait, le futur auteur de La Grande Illusion démontre sans vergogne son attrait pour l’anarchie et la satire virulente d’une société hypocrite.
ANNEE DE PRODUCTION 1932.
