Mina et Halim tiennent une boutique de caftans dans la médina de Salé, au Maroc. Ils sont mariés depuis plus de vingt ans et dissimulent un secret lourd à porter: l’homosexualité d’Halim, qui va parfois chercher l’amour physique avec d’autres hommes dans les hammams du quartier. Un jour, un nouvel apprenti vient travailler chez eux et une attirance mutuelle va naitre entre les deux hommes…
Dans un Maroc encore et toujours englué dans ses préjugés et ses traditions, cette histoire de désirs refoulés, de non dits, de pudeur excessive racontée à travers le prisme de trois personnages a quelque chose de caressant. Grâce à une mise en scène sensible de Maryam Touzani, à qui l’on doit Adam en 2020, et surtout à la manière dont le récit est confectionné, à l’instar des précieux tissus, avec patience et une infinie délicatesse. La caméra s’attarde autant sur le travail de la couture, très minutieux, que sur ces êtres confrontés à leurs peurs (celle de mourir pour Mina, celle d’aimer et d’assumer sa différence pour Halim). La réalisatrice prend son temps, met les formes sur tout, ne craignant pas de créer quelques longueurs, elle suit une route tracée et quelque peu programmatique. C’est en effet le côté le plus « faible » du film: on voit arriver le déroulement des choses avec un peu d’avance et pour le coup, il n’y a pas de surprises majeures et cela désamorce légèrement l’émotion. Ceci étant dit, la puissance des sentiments et du lien unissant ce trio ressort avec une belle envolée lyrique et ne peut que toucher au coeur.
Une sorte de sensualité parcourt des images par ailleurs soignées, où les corps ont une importance cruciale, les visages et les regards aussi évidemment. Et les deux acteurs masculins (Saleh Bakri et Ayoub Missioui) apportent un plus avec leur présence à la fois forte et fragile. La vraie belle surprise provient de Lubna Azabal (découverte dans Loin de Téchiné et qui a, depuis, tenu de nombreux rôles): elle se distingue nettement dans cette partition à fleur de peau, sans cesse au bord des larmes, sans jamais se répandre. Après ce beau film raffiné et prometteur, on a hâte de voir le prochain opus de Maryam Touzani.
ANNEE DE PRODUCTION 2023.