L’ancien débardeur François Cardinaud est devenu, après 30 ans d’efforts, l’armateur maritime le plus puissant de la Rochelle. Marié à Marthe, il est aussi respecté de tous que jalousé pour son éclatante réussite sociale. Un soir, sa vie bascule lorsque sa femme ne rentre pas au domicile conjugal…
Très honnête faiseur du cinéma français des années 50 et 60, Gilles Grangier sort de sa zone de confort (plutôt spécialisé d’ordinaire dans le policier) et adapte un roman de Georges Simenon, dont on connait le penchant pour les atmosphères lourdes, la psychologie fouillée de ses personnages et la tragédie se profilant souvent dans ses récits. Grangier s’empare assez joliment de ce matériau nouveau pour lui et donne de l’épaisseur à cette histoire en troussant une intrigue simpliste sur le papier et qui recèle en fait bien des richesses thématiques. A commencer par une autopsie précise de la bourgeoisie et de ses travers, des comportements humains face à un individu parti de rien et parvenu à créer sa propre richesse et tracer sa route vers la réussite, la jalousie et les mesquineries que cela engendre, etc… Et puis, le réalisateur ose parler d’un sujet quasi tabou dans le cinéma de cette époque: l’adultère (surtout quand il est subi par un homme!), le déshonneur qui l’accompagne et de la sale réputation qui s’ensuit. Ce drame naturaliste possède certes une narration très linéaire et sans surprises majeures, mais Grangier capte bien la complexité des rapports humains que Simenon décrit dans son roman.
Posant sa caméra en décors extérieurs (autre fait pas si courant à cette époque là), le cinéaste filme l’activité du port de pêche appartenant au héros et lui insuffle ainsi une part de vie que n’aurait pas restitué un tournage en studios. Le Sang à la tête pourrait évoquer par son titre une violence extériorisée du personnage, or il s’agit au contraire d’une rage intérieure que nourrit Jean Gabin dans un jeu puissant et porté par les dialogues incisifs de Michel Audiard, fortiche pour taper dans le mille avec des répliques choc. Loin des Maigret qu’il campait, l’acteur compose une belle prestation ajoutant un vrai plus à un film qui n’aurait pas eu le même impact sans lui. La marque des grands!
ANNEE DE PRODUCTION 1956.