Depuis 2014, en France, la Justice Restaurative propose à des personnes victimes et auteurs d’infraction de dialoguer dans des dispositifs encadrés par des professionnels et des bénévoles comme Judith, Fanny ou Michel. Nassim, Issa et Thomas, condamnés pour vols avec violence rencontrent ainsi Grégoire, Nawelle et Sabine, victimes de braquages. En parallèle, Chloé, victime de viols incestueux à la petite enfance engage un parcours pour renouer avec son frère sorti de prison et condamné pour ses agissements…
Après le bouleversant Pupille, la très grande sensibilité du cinéma de Jeanne Herry se confirme bel et bien avec ce troisième long métrage. Un sujet délicat et puissant (la Justice restaurative), un scénario très fort écrit au cordeau avec des dialogues percutants, des émotions vives et par dessus tout un casting absolument épatant. La cinéaste met l’écoute et la parole au centre de tout, ses images ne venant qu’accentuer encore davantage les mots résonnant en nous, avec les témoignages de ceux dont la vie a basculé après une agression et aussi de ceux qui ont commis des actes gravissimes pour lesquels ils sont enfermés en prison pour de longues années. Chaque destin brisé semble bien sûr survolé puisque les uns et les autres apportent des bribes de leurs traumatismes, mais l’essentiel de leur humanité ressort pourtant précisément par le miracle des liens tissés dans ce groupe uniquement là pour avancer et soigner ses blessures. Souvent éprouvant et rude, le film apporte malgré tout quelques notes d’espoir et de soleil dans une nuit noire que le spectateur traverse le coeur lourd. Jeanne Herry a su avec délicatesse restituer l’indicible douleur des victimes incapables de se reconstruire sereinement et n’accable pas non plus les auteurs dans un jugement facile.
Après les passages les plus durs, les quelques rares séquences plus « légères » paraissent un poil plus artificielles, mais c’est bien la seule réserve que l’on peut émettre à l’encontre de ce très beau film choral. La distribution étincelante ne mérite que des éloges: Leila Bekhti ( extraordinaire monologue du début!), Miou Miou (plus vue aussi émouvante depuis des lustres), Gilles Lellouche remarquable de justesse, Elodie Bouchez toute de retenue et puis la perle Adèle Exarchopoulos, démentielle à nouveau, traçant un sillon sans faute depuis La Vie d’Adèle. Cette immersion dans la résilience et la douleur partagée font de cette oeuvre d’ors et déjà l’un des meilleurs films de 2023. A ne pas manquer.
ANNEE DE PRODUCTION 2023.
