Quand Blanche croise le chemin de Grégoire, elle pense rencontrer enfin l’homme de sa vie. Les liens qui les unissent se tissent rapidement et leur amour se conclut par un mariage et la naissance de deux beaux enfants. Le couple déménage, Blanche s »éloigne de sa famille et notamment de sa soeur jumelle, et une nouvelle vie commence. Hélas, c’est un enfer conjugal qui l’attend petit à petit avec un mari qu’elle découvre de plus en plus sombre et autoritaire au fil des jours…
Emballée par le roman éponyme signé Eric Reinhardt, la réalisatrice Valérie Donzelli s’est attelée à son adaptation et construit un scénario très élaboré (avec l’aide de l’écrivaine d’Audrey Diwan) où elle décrit avec minutie les mécanismes insidieux de l’emprise. L’emprise d’un mari jaloux, possessif, harceleur sur sa jeune épouse tellement amoureuse qu’elle laisse faire sans réagir, jusqu’à ne plus avoir de contrôle sur rien, jusqu’à accepter l’inacceptable. Avec une ambiance hitchcockienne et une tension psychologique suffocante, le film nous rend témoin de cette relation idyllique au début et qui dérive vers des abîmes de terreur et de manipulation. Quasiment sous la forme d’un thriller, L’amour et les forêts commence pourtant sous les auspices d’une romance lumineuse, sur des promesses de bonheur, et progressivement le malaise s’installe au gré d’une parole, d’un geste, d’une attitude déplacée et trahissant la maladie psychotique du personnage masculin. Le drame intimiste rappelle la violence sourde de Jusqu’à la garde, sauf qu’ici le mari n’est pas brutal physiquement, mais emprisonne sa femme par le mental, la pousse à lui appartenir tout en faisant le vide autour d’elle. Donzelli, d’habitude maniérée dans sa mise en scène, fait preuve d’une maitrise remarquable, toute entière consacrée à son histoire, évitant les pièges de la caricature ou des clichés convenus.
Depuis maintenant presque dix ans, Virginie Efira parfait son jeu dans des rôles de plus en plus intéressants et complexes, et une fois n’est pas coutume, elle force le respect avec sa magistrale interprétation de cette femme sidérée, apeurée, enfermée dans cette relation toxique. Face à elle, dans un emploi quasi inédit pour lui, Melvil Poupaud, rarement vu aussi inquiétant: sa composition de pervers narcissique fait froid dans le dos par ses colères, ses regards plein de furie. A noter dans la distribution, les participations plutôt très correctes de deux actrices un peu disparues depuis des années: Romane Bohringer et Virginie Ledoyen. La réalisatrice de La Guerre est déclarée peut se vanter d’avoir accouché d’une oeuvre mâture et au propos essentiel, ô combien sensible.
ANNEE DE PRODUCTION 2023.