Après avoir enseigné quatre ans dans l’école locale d’un village reculé d’Anatolie, Samet et son collègue Kenan sont confrontés à des accusations de harcèlement sexuel de la part de deux élèves. L’une d’elles, Savim, a rédigé une lettre d’amour sûrement destiné à Samet qui subtilise l’écrit…
Presque dix ans après son sublime Winter Sleep (Palme d’Or à Cannes), suivi du Poirier Sauvage en 2018, le cinéaste turc Nuri Bilge Ceylan nous revient cette année avec un nouveau long métrage intitulé Les Herbes Sèches. Fidèle à son style, il nous sert cette fois un récit, encore étiré sur trois heures, sur les illusions perdues, les espoirs, les relations intimes et sociales de trois personnages vivant isolées dans un coin perdu d’Anatolie. Bravant la rigueur d’un hiver rude où la neige engloutit tout, se battant pour obtenir une place dans une société étriquée, les deux professeurs héros de l’intrigue vont aussi devoir faire face à des rumeurs de pédophilie au sein de leur école, tout en tissant en même temps un lien d’amitié amoureuse avec une jeune femme nouvellement recrutée dans le même collège. Ces intrigues s’imbriquent sans aucun mal dans le scénario, à coup de dialogues très écrits et quelquefois « envahissants », plaçant le film sous le signe d’Ibsen ou du théâtre d’Anton Tchekhov, avec sa psychologie fouillée et passée au scalpel. Avec moins de fulgurances esthétiques que dans Winter Sleep (malgré tout de même quelques belles images soignées), Ceylan s’attache plutôt à une écriture exigeante que notre attention constante doit veiller à ne pas laisser filer.
L’ambigüité des personnages joue à plein dans l’intérêt pris au récit, car ce professeur désabusé et pas foncièrement sympathique nous donne pourtant toutes les raisons de nous attacher à ses motivations et à son ressenti (qu’il camoufle avec minutie). L’acteur qui l’interprète, Déniz Celiloglu, n’a pas besoin d’en faire des tonnes pour exprimer ses zones d’ombre, il est formidable de bout en bout. En revanche, sa partenaire, Merve Dizdar, campant une idéaliste, amputée après un attentat à Ankara, se révèle un peu « en dessous ». Bien sûr, elle est bonne comédienne, mais son Prix d’Interprétation cannois semble un brin injustifié. Ce cinéma austère et beau nous touche parce qu’il s’efforce de ne pas ranger les êtres dans des cases préremplies, il saisit toute la complexité de l’âme, sans pour autant nous en dévoiler tous les mystères.
ANNEE DE PRODUCTION 2023.