A sa sortie de l’orphelinat, Marceau, jeune et beau garçon, vivote et enchaine les échecs. Il rencontre un soir Madame Alice, une femme mystérieuse, qui va le transformer en gigolo et l’entrainer dans une vie de débauche. Mobilisé lors la guerre, il est fait prisonnier. A sa libération, il s’éprend d’une jeune femme, Dominique, sans rien lui avouer de son passé. il décide de changer de vie, mais c’est sans compter sur la jalousie féroce de Madame Alice…
Gibier de Potence représente sans doute la quintessence d’une tendance très présente dans le cinéma français d’après guerre: le pessimisme et la noirceur absolue. Tiré du roman éponyme, adapté par les scénaristes Aurenche et Blondeau (deux pointures dans le domaine), le film aborde des sujets osés pour l’époque comme la prostitution masculine, la pornographie et aussi une pointe d’homosexualité (même si elle reste surtout suggérée). La vie interlope et dérangeante de ces personnages se vautrant dans la débauche la plus totale avait choqué et le film fut très critiqué et même interdit aux moins de 16 ans, en raison de ses allusions frontales sur la sexualité tarifée et des activités douteuses de son héroïne. Derrière la caméra, Roger Richebé, autrefois plus connu pour ses talents de producteur (La Chienne, Fanny) s’attaque à ce matériau « scandaleux » sans toutefois proposer de mise en scène vraiment éclatante, d’ailleurs la seconde partie souffre de longueurs et d’une certaine mollesse d’exécution. Il n’en demeure pas moins que ce drame audacieux doit être considéré, au moins pour la qualité de ses dialogues (plein de sous entendus et délicieusement amoraux) et pour son interprétation.
Richebé retrouve Arletty, qu’il avait dirigé dans Madame Sans Gêne quelques années plus tôt et lui offre le rôle sulfureux de cette Madame Alice, entremetteuse vénale monnayant les charmes du bel héros naïf et désargenté. Sa prestation diabolique la remet sur les rails, après avoir été sévèrement « punie » pour sa conduite jugée « inappropriée » pendant l’Occupation. Face à elle, son partenaire, Georges Marchal, un acteur oublié aujourd’hui, à la gueule de jeune premier et qui fut lancé comme amoureux de Darrieux dans Premier Rendez Vous. Il est plutôt bon en dévoyé sous emprise. Gibier de Potence (un titre bien curieux collant peu à l’intrigue finalement) assume son pessimisme et ne cède pas à une fin artificielle: une autre qualité méritoire et courageuse.
ANNEE DE PRODUCTION 1951.