Un grand peintre, vieillissant, a cessé de créer depuis dix ans. Il avait laissé inachevé un tableau dont sa femme, Lise, était le modèle: La Belle Noiseuse. Un jeune artiste rend visite au vieux maitre. Il est accompagné d’une très belle jeune femme, Marianne. Elle devient sa nouvelle muse et pose, nue, pour lui. L’artiste peint, fasciné, farouche, quasiment sadique…
Un des maitres de la Nouvelle Vague, Jacques Rivette, moins commenté que ses confrères Truffaut , Godard ou Chabrol, a pourtant réalisé de beaux films souvent moins commerciaux et plus « exigeants », ne trouvant pas toujours les faveurs du public. Avec cet opus là, adapté du « Chef d’Oeuvre inconnu » de Balzac, il parvint à unir à la fois les cinéphiles purs et durs, ainsi que des spectateurs moins clients de sa rigueur extrême. Rivette propose une méditation sur la création artistique, ses mystères, la lutte entre l’esprit et la matière, les rapports souvent ambigus avec son modèle. Il soulève les problèmes liés à l’inspiration, souvent inexplicable, rarement constante, la douleur de faire et refaire, de chercher constamment la vérité dans sa toile. Le cinéaste prend son temps pour montrer le travail profondément complexe que le peintre doit infliger à sa muse, par des poses de plus en plus tortueuses, par une demande de patience infinie. A l’écran, on voit se dessiner les ébauches et les ratures qui mèneront peut être à accoucher de l’oeuvre définitive. Et comme le fait le metteur en scène de cinéma, le peintre se sert des autres au risque de se blesser et de les blesser dans sa quête absolue de perfection. La Belle Noiseuse, film fleuve de presque 4 heures, réussit l’exploit de ne pas ennuyer grâce à sa mise en scène précise, patiente, posée et apaisante (sans être sereine pour autant). L’intelligence de Rivette est de ne jamais rien surligner, ne ménageant pas ses efforts pour créer une émotion diffuse tout du long.
Bien sûr, la question de la séduction hante aussi le film, dans chacune des relations amoureuses présentées (la jeune muse et son petit ami, le peintre et sa femme anciennement son modèle, et dans celle platonique entre l’artiste et Marianne), mais toujours sur un mode mineur, rarement dans la fureur des sentiments, plutôt dans les non dits. Michel Piccoli, surprenant en peintre taiseux obsédé par sa nouvelle découverte, donne la réplique à Jane Birkin, sensible et faussement effacée. Mais, le diamant brut s’appelle Emmanuelle Béart, superbement mise en valeur dans sa nudité exposée, rendant son rôle si touchant par sa fragilité, ses fêlures et puis finalement son abandon. Grand Prix à Cannes mérité pour ce poème d’une pureté rare.
ANNEE DE PRODUCTION 1991.