Petite juive d’origine russe, Lena est internée dans un camp près de Perpignan, au début de l’Occupation. Pour échapper à la déportation, elle épouse un français, Michel, rencontré au camp. Au même moment, on célèbre à Lyon le mariage de Madeleine, dont le bonheur sera de courte durée, puisque son mari est abattu sous ses yeux par la Milice. Les deux femmes vont enfin se rencontrer à Lyon, après la guerre, alors qu’elles sont devenues mères toutes les deux et que leur mariage semble promis à des impasses. Leur amitié commence à prendre toute la place dans leurs vies…
Dans son oeuvre, la réalisatrice Diane Kurys place la caution autobiographique à un degré élevé et ce Coup de Foudre est fondé sur la vie de ses parents, plus spécifiquement sur le parcours de sa mère Léna et de sa très forte amitié avec une femme, ayant même entrainé son divorce. La cinéaste raconte avec sensibilité et justesse cette histoire située dans les années d’après guerre, soigne sa reconstitution d’époque, ajuste son talent d’écriture, et offre le récit passionnant d’une émancipation féminine. Elle interroge le passé, sans nostalgie excessive, le temps des 4 CV, de la méthode Ogino, des boites de jazz nous apparait tendrement décrit, porte un regard constamment bienveillant sur ses personnages. Après une première demie heure un peu trop lente où elle « explique » la vie des deux héroïnes avant leur rencontre, Kurys arrive ensuite à mettre son film sur les bons rails et cette chronique d’amitié entre femmes amuse (parfois), touche (souvent), enchante par sa capacité à capter la « manière de vivre » de ces français moyens, ces couples avec leurs principes à l’ancienne. Car les hommes ont également leur importance, bien que les deux maris ne soient là que pour souligner le fort désir d’indépendance de leurs épouses « insatisfaites ».
Du point de vue de l’interprétation, le spectateur est plus que gâté avec la présence de Guy Marchand et d’un Jean Pierre Bacri en début de carrière et déjà excellent, et surtout prend un plaisir fou à admirer l’immense duo Isabelle Huppert/Miou Miou, à la complicité émouvante (alors même que leurs rapports sur le tournage furent pourtant compliqués). Toutes deux éprises de liberté, elles composent des personnages de femmes battantes, au désir d’autonomie très marqué, et leur relation, à la limite de l’amour, devient bien vite le moteur et le coeur du film. Un coeur que l’on peut entendre battre dans l’expression de petits rien, dans cette façon qu’elles ont de rebâtir leur existence pour vivre leurs rêves. Un très beau film (de loin le meilleur de toute la filmographie très inégale de Kurys) et une oeuvre féministe dans le sens le plus noble du terme.
ANNEE DE PRODUCTION 1983.