Yolanda Bell, chanteuse de cabaret recherchée par la police, se réfugie dans un couvent. Celui des « Rédemptrices Humiliées ». Elle va y découvrir des soeurs aux moeurs plus qu’inhabituelles…
Enfant terrible de la Movida, Pedro Almodovar est entré avec fureur dans les années 80, imposant son style coloré et déjanté, de films en films, jusqu’à sa consécration internationale. Dans les Ténèbres est sa troisième oeuvre de fiction et c’est un euphémisme de dire qu’elle est de nouveau bourrée d’idées extravagantes, fruit d’une imagination débordante: l’espagnol y conte l’arrivée d’une chanteuse de cabaret cocaïnée dans un couvent de bonne soeurs pas tout à fait comme les autres. Les religieuses ici présentes sont toutes d’anciennes putes, criminelles repenties (ou pas), au passé trouble et répondant au nom de Soeur Fumier, Soeur Perdue ou Soeur Rat! Bien entendu, on nage en pleine comédie provocatrice, au ton caustique, toujours légère, où ces nonnes très particulières cultivent un amour immodéré pour les drogues dures et abrite auprès d’elles un… tigre qu’elles ont domestiqué! Avec un scénario pareil, Almodovar ne peut que faire rire, étonner constamment, amuser follement avec cette audace si particulière qu’on lui connait. Ses thèmes de prédilection y étant déjà exploités (même de manière plus sage) comme l’homosexualité féminine, la rédemption, la culpabilité, le vice. Le regard du cinéaste reste bon enfant tout du long, agrémentant son intrigue de chansons réalistes, ponctuant ses images ou ses dialogues de références cinématographiques (My fair Lady, Marilyn, Les Anges du Pêché, et les actrices les plus rebelles du système comme Ava Gardner, Brigitte Bardot, Sophia Loren, etc…). Certes, l’histoire en elle même parait assez vite bancale et semble plus un prétexte à une critique féroce contre la religion catholique, Almodovar se dispensant cette fois de parler ouvertement de sexe.
Ces femmes libres et presque hors du temps sont incarnées par quelques muses du cinéaste, alors pas encore très connues, comme Marisa Paredes la future maman magnifique de Talons Aiguilles, Carmen Maura ou Chus Lampreave campant une religieuse accro au crack et aux romans populaires. Les voir endosser la cornette contribue au plaisir pris devant ce film résolument décadent, faisant la nique au reliquaire franquiste et glorifiant les effets dévastateurs de substances illicites. Avec ces débuts déjà très originaux, le futur auteur de Tout sur ma mère se positionne clairement comme le digne héritier de Bunûel et ses fantasmes anticléricaux.
ANNEE DE PRODUCTION 1983.