Une femme délaissée par son mari se mutile. Un père de famille, aliéné par une existence conformiste, répercute les violences conjugales qu’il a déjà subi dans son enfance. Une adolescente gravement handicapée vient régler ses comptes avec celui qui est responsable de ses infirmités…
Il existe des films aux images si fortes qu’il est proprement impossible de les oublier. Family Portraits est indéniablement un de ceux là! Présenté sous la forme de trois histoires distinctes, le film radiographie des familles de la société banlieusarde américaine en décrivant l’horreur domestique, leur quotidien rongée par la monstruosité humaine, elle même engendrée par des traumas refoulés ou non réglés. Dans cette Amérique malade, loin des mégapoles grouillantes de population, ces êtres vivent des existences terribles, incapables de faire face à leurs démons, repliés sur eux mêmes et développant une violence inouïe qui rejaillit sur ceux qu’ils sont censés aimer le plus! Le cinéaste inconnu jusque là, Douglas Buck, a fait sensation avec son écriture radicale, sa vision désespérée, ses thèmes aussi noirs que dérangeants (automutilation, tortures, violences conjugales et parentales, entre autres réjouissances!) et cette manière singulière de composer des plans douloureux pour pointer du doigt la haine, le ressentiment, la perversité. On pense à Haneke bien souvent et à son style froid et précis, le silence assourdissant remplaçant les dialogues (économes au possible) et « obligeant » le spectateur à fixer avec encore plus d’attention ce qui se passe sur l’écran. Contrairement au réalisateur autrichien, Buck contemple plus qu’il ne « réfléchit » et sa mise en scène peut laisser une partie du public sur le bord du chemin, d’autant que la lenteur volontaire va à l’inverse du cinéma tellement « rapide » des blockbusters de plus en plus « hystériques ».
Entre les deux premiers segments (certainement les plus terribles à supporter visuellement parlant) et le troisième, plusieurs années se sont écoulées et Buck semble avoir gagné en justesse, ou peut être est ce seulement la dernière histoire qui est relativement moins « agressive » pour nos yeux jusque là éprouvés? L’entièreté du casting est composé de comédiens jamais vus en France, comme Gary Betsworth, Larry Fessenden ou Sally Conway, injectant une part incontestable de vérité dans leur jeu minimaliste. Pour réaliser les séquences « gore », Buck emploie un maquilleur de renom, Tom Savini, excellent dans son domaine et déjà responsable entre autres de Zombie, Le Loup garou de Londres ou Maniac. L’expérience de Family Portraits, pour éprouvante et choquante qu’elle soit, mérite qu’on s’y arrête… en étant avertis ou simplement assez masochistes pour endurer la souffrance qu’elle nous impose.
ANNEE DE PRODUCTION 2006.