Sally et Jack annoncent à leurs amis de toujours, Judy et Gabe, leur décision de se séparer. Déjà, Jack fréquente une call girl. Sally tente d’accepter bon an mal an cette situation et se laisse séduire par Michael, un collègue charmant que lui a présenté Judy (secrètement amoureuse de ce dernier en fait!).Quant à Gabe, professeur de littérature, habituellement plein de principes sur la fidélité, commence à se poser de sérieuses questions sur son mariage et tombe aussi sous le charme d’une étudiante, Rain, aussi jolie qu’intelligente…
Avec cet opus désenchanté et grave, situé dans sa filmographie entre Ombres et Brouillard et Meurtres mystérieux à Manhattan, Woody Allen autopsie les mariages en crise de deux couples d’amis et étudie leurs compromissions, leurs non dits, leurs frustrations mutuelles et ose parler de la déliquescence du désir, ainsi que de la confusion des sentiments. Avec quasiment aucune note humoristique (sauf dans quelques répliques furtives), le plus new yorkais des cinéastes se sert de sa caméra frénétique pour faire parler ses protagonistes, comme pour des entretiens avec leurs psys respectifs. Il capte les moments de bonheur fugace au milieu d’un océan de disputes et de malentendus, un peu comme s’il faisait sa propre version du film de Bergman (qu’il a toujours admiré), Scènes de la vie conjugale. Les personnages disent des choses qu’ils ne respectent pas dans leurs actes, fuient leurs véritables envies et se réfugient derrière de faux besoins, pensant qu’une séduction passagère va raviver leur confiance en eux. Le plus troublant est qu’Allen filme aussi les derniers feux de son union avec Mia Farrow et que dans la réalité, leur séparation s’ensuivra dès la fin du tournage. Cet état de fait a quelque chose de vertigineux. Le scénario parait par moments improvisé et certains dialogues pris sur le vif, pourtant ne nous y trompons pas, l’écriture de l’auteur de Manhattan compte ici parmi ses plus remarquables.
Un admirable quatuor de comédiens sert le texte avec talent et précision: Woody lui même (toujours un peu dans son propre rôle), Mia Farrow donc certes beaucoup moins bien mise en valeur que d’ordinaire et qui incarne le désamour à elle toute seule, Judy Davis merveilleuse en épouse délaissée et frigide, Sydney Pollack rappelant qu’il était aussi un bon acteur en dehors de son activité de metteur en scène. Pour les seconds rôles, soulignons la présence de Liam Neeson (magnétique) et surtout de la pétillante Juliette Lewis campant la jeune étudiante tentatrice réveillant le démon de midi de son prof de lettres. Maris et Femmes s’impose en tout cas comme une oeuvre amère, douloureuse et d’une lucidité implacable.
ANNEE DE PRODUCTION 1992.