Rachel et Philippe n’ont rien en commun: elle est employée de bureau aux origines modestes et lui est un jeune homme riche à l’avenir prometteur! Mais voila, quand ils se rencontrent à la fin des années 50, ils s’aiment immédiatement! Tandis qu’ils vivent une relation sans engagement (Philippe refuse de se marier), Rachel finit par tomber enceinte…
Avec son roman autobiographique aussi sulfureux que direct, l’écrivaine Christine Angot a levé le voile sur son adolescence meurtrie par l’inceste dont elle fut victime de la part de son père et des répercussions sur toute sa vie d’adulte. Mais elle présentait aussi avec des mots très forts la cellule familiale particulière dans laquelle elle avait grandi: élevée par une mère célibataire, après être née sous X, et retrouvant son « géniteur » tardivement, au moment de ses 14 ans. La cinéaste de La Répétition, Catherine Corsini, adapte donc ce texte pour le grand écran et en tire une chronique fleuve, déroulant son intrigue des années 50 à la décennie 80, et son scénario traite autant d’amour maternel que du trauma de l’inceste, qu’elle choisit pour le coup de seulement suggérer. Ce parti pris évite de glisser dans le glauque facile, même si tout le hors champ est aussi terrible que tout ce que Angot décrit avec détails dans son ouvrage. Corsini réussit une oeuvre classique dans sa forme, subtilement mise en scène, où elle fait la part belle au statut des femmes dans une époque où elles dépendaient quasiment toujours d’un mari. Justement, pas son héroïne, Rachel accouche, élève et nourrit toute seule sa fille, expliquant d’ailleurs en partie la relation complexe qu’elles vont tisser au fil des ans. La perversité destructrice du père occupe des séquences où il n’est pourtant pas présent, comme si son ombre démoniaque étouffait littéralement la plus petite lueur d’espoir.
Des défauts comme la voix off monocorde de Chantal (dont l’utilisation n’apporte rien d’indispensable) ou surtout le dernier quart d’heure ressemblant à une « explication de texte » chargée auraient pu être évités ou du moins construit autrement. L’émotion vient très progressivement, au fil des révélations les plus impensables (à dire et à entendre), et le film soutient sa durée de 2H10 avec l’appui de sa comédienne principale, Virginie Efira. Sensationnelle de bout en bout, aussi crédible en amoureuse passionnée de 35 ans qu’en maman dévastée de 65, elle nourrit son personnage de nuances finement pensées. Face à elle, Niels Schneider incarne le père abuseur et charmeur, avec une facilité presque déroutante pour un rôle aussi haïssable! Cet Amour Impossible touche par sa pudeur, son romanesque et bien entendu, tord les entrailles quand on songe que tout ce récit a été vécu par une gamine sans défense, qu’elle exorcise depuis par le biais de la littérature.
ANNEE DE PRODUCTION 2018.