Le peintre français Pierre Bonnard ne serait pas l’artiste que tout le monde connait sans l’énigmatique muse Marthe, qu’il rencontre en 1893. Marthe, aristocrate autoproclamée, inspira Bonnard dans plus d’un tiers de ses tableaux. Pendant près de cinquante ans, leur couple va connaitre tous les états possibles de la passion et de l’amour…
Après avoir croqué la vie de Séraphine, la peintre fantasque tombée dans la folie ou le parcours de la romancière Violette Leduc, Martin Provost revient au genre biographique avec cette très belle évocation du peintre Pierre Bonnard et de son couple mythique avec la femme de sa vie et muse, Marthe. La reconstitution très soignée du Paris des années 1895 jusqu’aux premières heures de la guerre de 14 montre les grands moments de bonheur et de folle passion vécue par les deux amoureux, puis le film se concentre sur le délitement de leur relation, les infidélités de Bonnard, l’obsession de Marthe pour son maitre, les compromis trouvés pour prolonger leur histoire commune et puis au bout du compte, leur fin de vie ensemble, envers et contre tout. Il s’agit là moins d’une hagiographie élogieuse sur le travail du peintre (encore que certains passages sont consacrés à l’élaboration des tableaux), mais bien davantage d’une exploration intime de sa vie privée. Provost ne craint pas de déconcerter les amateurs du célèbre peintre en affirmant que toute son oeuvre n’a qu’un seul et même fil rouge: cette compagne dévouée ayant posé pour lui dès leur rencontre. Sa mise en scène relève certes d’un classicisme respectant à la lettre la tradition du biopic appliqué, pourtant la sensibilité et le bon goût l’emportent d’une large tête, faisant naitre une émotion réelle devant ces destins liés à jamais. Et comme dans ses précédents films, y compris Sage Femme, Provost propose d’affronter le temps qui passe et les affres relatifs à l’arrivée de la déchéance et bien sûr de la mort.
Loin de figer ce film dans un étui trop formaté, l’interprétation embellit au contraire un récit sans doute un brin linéaire. Plus encore que Vincent Macaigne, finalement un peu en retrait dans le rôle titre, c’est l’incandescente Cécile de France qui se démarque nettement en amoureuse absolue, passant sans mal d’un registre léger (au départ) à celui plus sombre et plus rude de la désillusion et de la dépression. Parmi les seconds rôles, Stacey Martin, Anouk Grinberg et André Marcon amènent chacun leur précieuse contribution. En mettant l’accent sur Marthe plus que sur Pierre, le cinéaste redonne la vraie place de la femme dans cette histoire certes romancée, tout en étant malgré tout une ode à la création picturale.
ANNEE DE PRODUCTION 2024.