Pour les 70 000 Marines qui luttèrent face aux tirs et aux explosions, la bataille sanglante d’Iwo Jima est bien plus qu’un simple tournant de la seconde guerre mondiale. Cet événement allait changer la vie de quelques uns des survivants, René, Ira et John Bradley…
Après le très grand succès de Million Dollar Baby, bardé de prix et salué par la critique, Clint Eastwood revient avec un film d’un genre qu’il n’a encore jamais touché: la guerre. Rivalisant avec son pote Spielberg qui avait signé le marquant Il faut sauver le soldat Ryan, l’acteur réalisateur présente la terrible bataille d’Iwo Jima, dans laquelle les marines américains livrèrent un conflit contre les japonais, dans un bain de sang et de violence rarement évoqués au cinéma. Dans des séquences de guerre spectaculaires et éprouvantes, Eastwood nous donne à voir l’horreur en face, avec ses corps mutilés, cette mort qui rôde sans cesse, ces soldats luttant pour survivre dans des buts souvent obscurs. Il questionne ensuite la notion d’héroïsme, selon lui « une vue de l’esprit » humain inventé par ceux qui n’ont justement pas vécu l’enfer et fait preuve aussi d’un patriotisme peu étonnant dans sa peinture du sacrifice que ces hommes ont endurés (surtout ceux qui en sont revenus). L’auteur d’Impitoyable parait par contre moins à l’aise lorsqu’il relate le « retour » à la vie civile de ces trois personnages: il cède à un pathos facile et répétitif, insistant sur les traumatismes et les retombées psychologiques, montrant combien la guerre est atroce, mais bien encore davantage l’existence qui s’ensuit. A quoi sert de conquérir une colline et déposer un drapeau si la presse n’en parle pas? En 1945, CNN n’existait pas! Le suspense s’enroule autour d’un cliché qui n’est pas le bon: qui était sur cette photo et quand a t elle été prise contre les Japonais? La seconde partie se perd dans ses interrogations peu passionnantes et Mémoires de nos pères devient du même coup moins captivant.
En voulant démythifier ces « héros », Eastwood s’est sans doute dit qu’il ne fallait pas trop les psychologiser et c’est dommage, car le film y aurait gagné en émotion. De plus, ses acteurs, tous infiniment beaux physiquement, comme Ryan Philippe, ne sont hélas pas de grands comédiens de composition et leur jeu n’imprime pas les esprits très favorablement. Eastwood poursuivit cette épisode méconnu de la Seconde guerre mondiale en signant Lettres d’Iwo Jima, afin de donner le point de vue japonais (une impartialité très louable), évitant le manichéisme simpliste que l’on trouve justement dans ces Mémoires de nos pères. Pour la reconstitution scrupuleuse du champ de bataille, le film mérite tout de même une vision attentive.
ANNEE DE PRODUCTION 2006.