Après son internement à l’asile, Vincent Van Gogh s’installe à Auvers sur Oise chez le docteur Gachet, amateur d’art et protecteur des peintres. Entre les relations conflictuelles avec son frère Théo et sa santé mentale vacillante, Vincent continue son oeuvre. Il devient l’amant de Marguerite, la fille de Gachet, mais celle ci comprend vite qu’il ne l’aime pas, que seul son art le fait vivre…
A des années lumière d’un biopic traditionnel comme celui que réalisa Vincente Minnelli à Hollywood, Maurice Pialat, cinéaste « hors normes » s’empare de la vie chaotique de Vincent Van Gogh pour en donner sa vision toute personnelle. Plus exactement, il évoque les 67 derniers jours du peintre impressionniste en réfutant toute tentation hagiographique, plutôt en traquant la vérité du personnage dans la « banalité » de son quotidien. Il prend le « train en marche » lorsque Vincent arrive chez le Dr Gachet pour se remettre de son récent internement et qu’il vit là les deux ultimes mois de son existence tourmentée. L’auteur d’A nos Amours, pourtant lui même ancien peintre « raté » prend le parti de reléguer la peinture au second plan, pour mieux aller « à l’os » et cerner l’essentiel d’une vie gâchée. Le film offre du coup de grands moments miraculeux (le bonheur et l’insouciance dans un cadre champêtre, les parties de jambes en l’air avec les prostituées, la romance frivole avec la fille du docteur) et d’autres qui s’éternisent abusivement (une longue séquence dans un cabaret s’étirant sur quinze minutes!). Avec un naturalisme affiché, Pialat décrit minutieusement la solitude d’un artiste brisé par le mal être, confronté à l’hypocrisie du monde et à son manque de reconnaissance. Pas de musique pour surligner des effets dramatiques, pas de « tragédie » patente appuyée, juste le constat d’un homme perdu, ne sachant que faire de son génie.
Pour l’incarner, Pialat a tout misé sur Jacques Dutronc, lui a fait vivre un tournage difficile, le poussant dans ses retranchements et lui arrachant une prestation habitée et fiévreuse. L’acteur chanteur remporta un César pour LE rôle de sa vie. Le reste du casting le seconde sans démériter: Bernard Le Coq surprenant en frère à la fois aimant et distant, Alexandra London en amoureuse observatrice, Elsa Zylberstein en putain fut révélée pour sa beauté et son jeu fluide. Sans lyrisme, le film coule comme l’eau d’une rivière, faussement tranquille, charriant une indéfinissable mélancolie et la phrase qu’aurait prononcée Van Gogh au soir de sa vie prend tout son sens: « La Tristesse durera toujours ».
ANNEE DE PRODUCTION 1991.