Vienne, vers 1900. À la veille d’un mystérieux duel qui semble s’annoncer fatal pour lui, Stefan Brand, un célèbre pianiste, reçoit une lettre d’une femme inconnue. Lisa Berndle, son auteure, y retrace l’amour fou qu’elle lui a secrètement voué toute sa vie. Une longue et bouleversante confession dans laquelle elle évoque aussi les rares rencontres qu’ils ont eu ensemble.
Avant de terminer sa carrière en beauté en France avec Madame De et Lola Montés, le réalisateur Max Ophuls avait aussi eu son heure de gloire en Amérique, en particulier avec cette oeuvre d’un grand raffinement où son style atteint sans doute son apogée. Grâce a des mouvements de caméra étourdissants, il nous entraîne dans un récit ultra romanesque par le biais de flash backs et rehaussé par un noir et blanc sublime. D’un romantisme absolu, Lettre d’une inconnue est au depart un court roman de Stefan Zweig contant la confession d’une femme sur le point de mourir au seul homme qu’elle ait aimé passionnément toute son existence. Lui, inconséquent et dandy, n’a rien vu de ce trouble. Ophuls aime soigner ses plans à l’extrême et ici, quasiment tout est exquis: la structure narrative, la mise en scène à la fois virtuose et discrète, le propos qui démontre combien le bonheur est fugace et encore plus quand il s’agit d’un amour « non partagé » entretenu pendant de longues années. L’égoïsme masculin s’oppose à la puissance des sentiments féminins. Lisa, l’héroïne, se meurt d’un amour vain et se tue à petit feu à coups d’illusions déçues, d’attente insatisfaite, elle qui serait pourtant prête à tout sacrifier pour cet homme qu’elle a idéalisé en secret. Comme souvent dans l’œuvre d’Ophuls, le spleen des coeurs brisés occupe une place importante dans l’intrigue, comme une fatalité pesante.
Pour jouer le bel « indifférent », qui mieux que Louis Jourdan, acteur français ayant réussi une carrière à Hollywood grâce à son physique de beau brun ténébreux et qui s’impose là dans un registre familier pour lui. Plus émouvante est la prestation de Joan Fontaine, magnifique actrice d’Hitchcock, parfaitement dirigée et son visage angélique un peu triste colle immédiatement au rôle de cette amoureuse totale. Lettre d’une inconnue n’est pas juste un mélodrame de plus à une époque où ils étaient très nombreux à sortir, il est LE mélodrame ultime !
ANNEE DE PRODUCTION 1948.
