Franck Chambers est un nomade, quasiment vagabond. En acceptant un boulot dans une station service, il ne sait pas encore que sa vie va être bouleversée par Cora, la très belle femme de son patron, d’une sensualité rare. Pour elle, il va être prêt à tout, y compris tuer le mari gênant…
Il s’agit de la quatrième adaptation du roman noir de James M. Cain, après notamment celle de Visconti (Ossessione) et surtout celle de Tay Garnett qui en avait signé un monument du film noir américain. Cette fois, c’est le réalisateur de Cinq Pièces Faciles, Bob Rafelson, qui s’attèle à cette sombre histoire d’un couple d’amants maudits, assassins par passion. Il en restitue brillamment l’atmosphère sinistre de l’Amérique déchue par la Grande Dépression et dépeint des êtres en errance totale, agissant sur le coup de leurs instincts et voués à un destin tragique. Le Facteur du titre est d’ailleurs bel et bien cette destinée à laquelle Franck et Cora ne pourront pas échapper. Il semblerait que cette relecture du texte de Cain soit plus fidèle dans l’esprit à celle du polar sorti en 1946 et qui ne se contente donc pas de s’afficher comme simple remake. Rafelson complexifie un peu plus les protagonistes, y ajoute une épaisseur psychologique bien dessinée, montre surtout les mécanismes d’une liaison torride aboutissant à l’irréparable. Une analyse sans détours de cette Amérique prude, où l’adultère était encore péché mortel se fait jour au gré de séquences assez étouffantes, distillant un malaise palpable pour le spectateur. Sans doute y a t il un déséquilibre entre la longue première partie (disons jusqu’au crime commis contre le mari) et la suite où les situations s’enchainent de façon précipitée, donnant un petit aspect bancal à l’ensemble, mais en globalité Rafelson ne rate pas sa cible.
Le Facteur sonne toujours deux fois reste en mémoire pour son tandem explosif, constitué de Jack Nicholson et de Jessica Lange. Lui, à peine sorti de Shining, en baroudeur électrisé de désir bestial et elle, pour son troisième rôle après King Kong et Que le spectacle commence, démontre ses vrais talents de comédienne, non seulement en imposant sa sensualité et son aisance dans le registre dramatique. Leurs ébats frénétiques sur une table de cuisine a beaucoup contribué à la réputation du film. En tout cas, la réussite du métrage tient au fait que Rafelson capte précisément l’amoralité originelle du roman et le basculement de ces vies médiocres.
ANNEE DE PRODUCTION 1981.