Chaque vendredi soir, les Ménard se retrouvent au « Père Tranquille », tenu par l’un des fils, Henri. Ce dernier est bougon et déprimé parce que sa femme vient de lui annoncer vouloir « faire une pause ». Au cours du repas d’anniversaire de Yoyo, la famille lave son linge sale et lève le voile sur les secrets de chacun. Le diner vire au déballage…
A l’origine, la pièce de théâtre écrite pas Agnès Jaoui et Jean Pierre Bacri a connu un immense succès sur les planches, et comme pour Cuisines et dépendances, le cinéma vient mettre son grain de sel et adapte ce texte particulièrement incisif et brillant. Cédric Klapish est en charge de la mise en scène et prend soin de ne pas se contenter de faire du « théâtre filmé », d’autant que l’action se déroule à 98% dans le décor du bar restaurant d’ Henri. Il joue avec les éclairages, privilégie les gros plans de visages, et surtout met en valeur l’écriture pointilleuse de ses auteurs. Avec une observation aiguisée des êtres humains, ils épinglent les travers de cette famille où règnent les mesquineries, les coups bas, l’hypocrisie, à travers des dialogues acerbes sur l’embrigadement des liens parents/enfants, frères/soeurs, ou sur les fausses compromissions déclenchant mauvaises humeurs et coups de gueules vachards. Bacri et Jaoui n’ont pas leur pareil pour saisir la médiocrité de ceux qui débitent des opinions définitives, des jugements hâtifs, des dictons « à la con », et y apportent justement des nuances plus que bienvenues. Le plaisir d’écouter des répliques savoureuses ET souvent profondes réconcilie avec la pauvreté générale des comédies françaises. Un Air de Famille regorge ainsi de passages anthologiques (celui du « collier » de chien « étant resté le plus célèbre), où l’on rit beaucoup (parfois jaune), où l’on peut aussi éventuellement s’identifier à certains comportements ou réflexions faites.
Pour honorer ce bijou scénaristique, il fallait évidemment une bande d’acteurs au diapason (quelques uns ayant déjà interprété leurs rôles sur scène) et de ce point de vue aussi, la réussite est totale! Bacri en cafetier bougon « abandonné » tient un de ses plus grands personnages, Jean Pierre Darroussin s’avère irrésistible en employé souffre douleur, Wladimir Yordanoff en frère imbuvable marque également de sacrés points. Du côté des femmes, elles ont chacune un tempérament explosif et d’une drôlerie épatante: Agnès Jaoui, soeur rebelle qui ne se démonte jamais, Claire Maurier campe la mère donneuse de leçons avec jubilation et enfin Catherine Frot joue admirablement les nunuches attachantes. En prime, ce portrait de groupe se paye le luxe d’être touchant: une valeur ajoutée à du très haut niveau, ça donne un film culte tout simplement!
ANNEE DE PRODUCTION 1996.