Le Professeur Brézé dirige d’une main de fer une clinique de province. Lorsque le chirurgien Pierre Losseray tente de reprendre le travail après un accident cardiaque, il se heurte aux refus répétés de Brézé. Losseray apprend que dix ans plus tôt, Brézé avait brisé la réputation d’un autre chirurgien réputé, Berg, au point que ce dernier avait fini par abattre sa femme et ses trois enfants avant de se suicider.
Deuxième long métrage de Jacques Rouffio, Sept Morts sur Ordonnance s’inspire d’un fait divers, survenu quelques années plus tôt: l’Affaire Bouvier. Le scénariste Georges Conchon élabore ce récit sur une décennie, autour du destin tragique de deux médecins poussés au suicide par une campagne nauséabonde de calomnies, de rumeurs et d’harcèlement moral. Un peu plus violemment et frontalement qu’un Chabrol, Rouffio s’attaque à la bourgeoisie de province confite dans ses certitudes et son bon droit, décrivant le milieu médical comme un terreau sensible, mais c’est toute une frange de notables issus d’autres professions que l’on peut deviner dans cette illustration terrible. Tel un drame psychologique intense, le film distille une violence insidieuse, étouffée par une omerta professionnelle puissante que le pouvoir médical entretient dans ses seuls intérêts. Les deux histoires similaires de ces chirurgiens poussés à bout par un mandarin odieux créent un malaise que la narration amplifie par de menus détails. Certes, la démonstration ne prend pas de gants et l’on peut reprocher à Rouffio un certain manque de nuances (il a pris quelques libertés avec les faits réels), il n’empêche que son propos dérange, interroge, et en ce sens, atteint son but.
Le film voit trois générations d’acteurs se rencontrer et donner le meilleur d’eux mêmes: Michel Piccoli, excellent en médecin consciencieux, face à Charles Vanel, campant une ordure obséquieuse totale. Gérard Depardieu, quant à lui, tout juste sacré star avec Les Valseuses, prend son rôle très à coeur, lui apportant une fougue annonçant sa descente vers la folie meurtrière. Jane Birkin et Marina Vlady incarnent les épouses, victimes collatérales d’un acharnement insupportable. A noter le grand réalisme des séquences médicales, nous faisant assister à des opérations comme si l’on y était, et accentuant un sentiment oppressant que ce très bon film manie avec assurance.
ANNEE DE PRODUCTION 1975.