Dans le Dorset, à la fin du XIXe siècle, les Durbeyfield vivotent misérablement. Le père, John, apprend un jour du pasteur de la paroisse que sa famille descend d’une famille noble, les D’Uberville. Il se résout à envoyer sa fille Tess rendre visite à une certaine Madame D’Uberville dans un manoir des environs. Tess est abusée par Sir Alec qui la met enceinte. L’enfant meurt en bas âge peu après…
Sharon Tate avait fait connaitre à son mari Roman Polanski l’existence de ce livre anglais fleuve écrit par Thomas Hardy et désirait en interpréter le rôle titre. Puis la tragédie que l’on sait survint et Polanski attendra dix ans avant de réaliser ce projet, hélas sans elle. Le film lui est d’ailleurs dédié en ouverture. Tess , projet d’envergure né grâce au flair de Claude Berri à la production, se pose en fresque sentimentale par la beauté de ses images (Ghislain Cloquet a fait un travail remarquable de chef opérateur), la précision de ses décors, son ambition démesurée pour raconter l’histoire simple et belle de cette jeune fille innocente de la campagne exploitée et abusée, victime de la cruauté des hommes. L’esthétique du film retient donc largement l’attention avec sa parenté évidente avec Barry Lyndon notamment, Polanski marchant dans les pas de Kubrick pour décrire la société victorienne, à opposer deux clans: les paysans pauvres et les nobles riches. Tess, c’est aussi un beau portrait féminin, une héroïne emportée par les tourments de l’amour, trop belle pour ne pas attiser la bêtise masculine et son parcours de vie, combatif et dur, touche au coeur. Cependant, Polanski persiste dans l’académisme le plus illustratif sans retrouver pour autant le souffle profond du roman, et son oeuvre ressemble à un beau livre d’images dans lequel l’émotion peine parfois à s’imposer. Par sa durée excessive d’abord et ses longueurs inutiles, l’ensemble flirte avec l’ennui, avant de retrouver un regain d’intérêt dans sa troisième heure.
L’autre qualité inestimable du projet se trouve dans la révélation de la magnifique Nastassia Kinski, visage pur, regard intense, photogénique comme tout, et que Polanski filme avec un soin minutieux et la rend proprement extraordinaire. Ses partenaires masculins, Leight Lawson en bourgeois parvenu et surtout Peter Firth, en noble amoureux mais hélas misogyne et pétri de préjugés, complètent une distribution de qualité. Avec son légendaire perfectionnisme, l’auteur de Chinatown s’est sûrement laissé « engloutir » par la forme, au détriment du fond et ne restitue pas tout à fait la prose corrosive de Hardy sur les barrières de classe. L’Académie des Césars lui fit tout de même honneur en décernant à Tess trois prix (Réalisateur, Photographie et Film).
ANNEE DE PRODUCTION 1979.