William Hartford et sa femme Alice mènent une vie banale d’un jeune couple new yorkais. Aussi, lorsque Alice révèle à son mari ses fantasmes adultères, William, dévoré par cette troublante confession, cède à la jalousie et au jeu de la tentation. Il entame alors un périple nocturne où ses obsessions le conduisent en des lieux étranges et mystérieux…
Point final d’une carrière hors pair dans le 7e Art, Eyes Wide Shut marque les adieux de Stanley Kubrick, certainement un des réalisateurs les plus fascinants qui soient. Cet opus, tiré d’une courte nouvelle de Schnitzler, se présente comme le voyage initiatique d’un médecin découvrant un monde d’ambivalences sexuelles et morale, suite à l’effondrement de ses certitudes concernant la « fidélité » de son épouse. Le film met en parallèle les rêves érotiques, les occasions manquées et la réalité avec une grande finesse psychologique: transposé dans le New York de la fin du dernier millénaire, le héros vit des aventures nocturnes (sans pour autant passer à l’acte d’adultère) tandis que sa femme se nourrit de fantasmes autour d’une rencontre fortuite, faite avec un inconnu, des années plus tôt. La belle photographie de Larry Smith, associée à une BO envoutante, participe au puzzle narratif trouble dans lequel nous sommes conviés: Kubrick usant d’une maitrise de la caméra assez incroyable pour signifier les recoins les plus obscurs du désir humain et ses complexités. La volonté de faire « voyeuriste » (notamment dans la longue séquence de l’orgie masquée) prend le pas sur la suggestion et à la première vision, Eyes Wide Shut semble habité par du vide. C’est le type de films à revoir au moins deux fois pour en saisir quelque chose de palpable. Le travail sur les couleurs (le rouge pour la tentation et le sexe, le jaune pour la trahison, le bleu pour le danger et la peur) est poussé à un point de perfectionnisme remarquable.
Bien sûr, la jalousie du mari, incarné par Tom Cruise, pétri de doutes et d’obsession, s’avère encore plus dévastatrice car elle est seulement le fruit d’imaginations et de pensées rendant la « possible » infidélité de la femme encore plus blessante et terrible. Kubrick brouille les pistes du réel et de la fiction en employant Cruise et Nicole Kidman, alors mariés à la ville, les plaçant dans des rôles d’époux face à des problématiques universelles (comment l’amour conjugal évolue t’il? Que reste t’il une fois la passion éteinte? L’affection la plus forte justifie t’elle de tout dire à son conjoint?). Freud s’invite en filigrane dans les échanges verbaux du couple en pleine « crise ». L’érotisme froid et assez triste d’Eyes Wide Shut ne doit pas faire oublier le regard tendre que porte l’auteur de Shining sur la femme, lui laissant le mot de la fin (et pas n’importe lequel): baiser!
ANNEE DE PRODUCTION 1999