A Lille, Adèle, une lycéenne de 17 ans, a pour petit ami un garçon de son âge. Un jour, en pleine rue, elle croise le regard d’une jeune femme, Emma, aux cheveux bleus. Elle la retrouve plus tard dans un bar gay. Adèle et Emma tombent amoureuses l’une de l’autre. Leur passion dévaste tout…
Divisé en deux chapitres distincts, La Vie d’Adèle raconte une histoire d’amour passionnelle, bien au delà de la simple particularité qu’il s’agisse de deux filles: le réalisateur Abdellatif Kechiche a d’abord voulu traiter de sentiments et non pas d’homosexualité en tant que telle. Il scrute ses personnages à la loupe, Adèle surtout bien sûr, de tous les plans, comme on détaille un tableau pour en déceler les vérités profondes. Il use de sa caméra et de ses cadres serrés pour rentrer dans la tête de son héroïne, et aussi pour pénétrer sa peau, son coeur. Emois des corps, découverte de soi, premiers rapports sexuels: tout y passe avec une force peu commune grâce à la mise en scène à la fois fluide et précise de l’auteur de La Graine et le Mulet. La vérité des émotions nous éclate au visage à chaque séquence, ne cherchant pas à nous choquer avec les étreintes fusionnelles de ces deux femmes, mais au contraire à partager un peu de leurs troubles intimes. Dans de nombreuses scènes de repas (comme à son habitude), Kechiche accentue les différences sociales et culturelles qui amèneront inéluctablement dans le second chapitre à un tournant dans l’histoire d’amour. Quand le chagrin lié à la rupture envahit l’espace, le film devient plus dramatique, presque tragique, et se referme sur la solitude de son héroïne qui entre le démarrage et l’après Emma, a vécu, aimé, appris, souffert. Cru et charnel, La Vie d’Adèle nous embarque sur près de trois heures sans jamais nous perdre en route.
Le bonheur de découvrir une actrice en devenir, la grâce inédite d’Adèle Exarchopoulos que Kechiche filme avec un amour fou: elle s’avère nature, authentique, vibrante, tout le temps intense. Face à elle, Léa Seydoux incarne son amoureuse aux cheveux bleus, amante initiatrice, existant elle aussi avec sa personnalité à part. Dans des moments cruciaux comme les séquences les plus fortes (la rupture et les retrouvailles), leur alchimie évidente impressionne, Kechiche les ayant -parait il- poussées dans leurs retranchements et ce qu’elles apportent est prodigieux. Dans des champs contre champs jamais ennuyeux, les frémissements de leurs bouches et la chaleur de leurs regards brûlent tout. Le film a obtenu le titre suprême de la Palme d’Or à Cannes. Kechiche n’a jamais fait mieux ni avant, ni après.
ANNEE DE PRODUCTION 2013.