Murielle et Mounir s’aiment passionnément. Depuis son enfance, le jeune homme a été élevé par le Docteur Pinget, qui lui assure une vie matérielle aisée. Quand le jeune couple se marie et décide d’avoir des enfants, la dépendance qu’ils ont envers le médecin devient excessive et malsaine. Murielle se retrouve enfermée dans un climat affectif irrespirable, qui s’accentue avec l’agrandissement de la famille. La jeune mère tombe dans une dépression grave qui va aboutir insidieusement à une tragédie…
Le réalisateur belge Joachim Lafosse, remarqué pour son long métrage avec Isabelle Huppert Nue Propriété, s’empare d’un fait divers terrible survenu en Belgique en 2007, plus connu sous le nom de l’Affaire Geneviève Lhermitte. Cette mère de famille avait, en apparence, tout pour être heureuse et pourtant un beau matin, dans un état de démence, elle a tué ses quatre enfants un par un. Ce drame poignant est raconté sans voyeurisme, sans jugement, sans pathos, avec une précision presque clinique. Le scénario, implacable, relate la vie avant la tragédie, la rencontre du couple, leur bonheur d’être parents, mais tout ça dans une vie engoncée chez leur « bienfaiteur » et père adoptif du mari, ne leur laissant pas le loisir de former une vraie famille « normale » et structurée. La générosité sans bornes de cet homme va avoir des conséquences psychiques graves et un retentissement sur l’avenir des enfants. Lafosse décrit cette relation toxique par des touches subtiles, jamais on ne peut anticiper le drame qui se noue, et ce même si l’héroïne perd pied peu à peu et s’enfonce dans la dépression. Avec beaucoup de justesse, le cinéaste montre la toile d’araignée mentale, l’emprise dans laquelle le couple est totalement piégée.
Le regard porté sur les femmes et leurs difficultés à assurer le quotidien d’un mariage avec quatre enfants est très précis et montre la souffrance non dite dont elles sont parfois les victimes silencieuses. Le foyer familial peut devenir une prison étouffante et la descente aux enfers de Murielle provoquera un infanticide. Que Lafosse choisit de ne pas filmer, preuve d’une grande pudeur et donnant à la séquence finale d’autant plus de puissance. La caméra semble toujours observer ce qui se passe, comme si c’était le regard envahissant d’un ennemi invisible. Si Niels Arestrup en médecin et père omniprésent fait une belle prestation, ainsi que son partenaire de Un Prophète Tahar Rahim (très crédible), tout le film repose surtout sur la sidérante composition de Emilie Dequenne, découverte dans Rosetta, et qui habite son personnage avec une conviction impressionnante.
ANNEE DE PRODUCTION 2012.