Jean et Sarah forment un couple heureux et amoureux depuis plusieurs années. Mais la résurgence de François, un ancien amour de Sarah, va bouleverser leurs existences et les plonger dans les tourments des sentiments exacerbés.
Cinq ans après l’avoir déjà adapté pour Un beau soleil intérieur, la réalisatrice Claire Denis se ressert d’un livre de Christine Angot pour la matière de son dernier long métrage. Le titre du roman était Le Tournant de la vie, le film s’appelle Avec amour et acharnement. Claire Denis explore avec son récit la complexité et la densité du désir féminin, à travers le personnage de son héroïne, écartelée entre deux hommes, l’un rassurant et dévoué, l’autre plus toxique mais irrésistiblement attirant. Elle rentre au plus profond de l’intimité d’un couple, en présentant les affres de la jalousie, des sentiments fluctuants, de la trahison, et avec un sens aigu du désordre engendré par les passions destructrices. Sa caméra va au plus près de ces êtres déchirés par leurs émotions, incapables de s’aimer sereinement, la cinéaste de Beau Travail nous un drame sentimental tendu jusque dans ses silences. Par moments pourtant, elle cède à montrer des séquences un peu complaisantes dans l’hystérie qui auraient pu être moins démonstratives. Certes, une dispute de couple ne peut se faire sans cris ni larmes, mais la filmer en étirant le temps n’est sûrement pas la meilleure des idées.
Ce qu’il y a de beau, c’est la façon dont elle autopsie la psyché féminine et ses zones d’ombres, son imprévisibilité, et comment face à elle l’homme n’y a pas accès. La domination qui s’exercent dans ce triangle amoureux frappe par de menus détails que la mise en scène sait très bien pointer. En faisant à nouveau équipe avec Juliette Binoche qu’elle avait déjà dirigée dans Un beau soleil intérieur, Claire Denis redonne à l’actrice une chance de prouver qu’elle est une tragédienne née. Elle est fort touchante, même si elle pleure sans doute un peu trop et finit par irriter. Face à elle, Vincent Lindon (avec qui les rapports ont été conflictuels sur le tournage) s’impose en cocu blessé et lucide avec toute l’intensité dont il est capable. Si l’on peut juger l’obtention de l’Ours d’Argent à la Berlinale un tantinet exagéré, ce film d’amour(s) contrarié(s) suscite des émotions bien réelles.
ANNEE DE PRODUCTION 2022.