Le parcours et la cavale sanglante de Ma Barker, une criminelle américaine, à la tête d’un gang composé de ses quatre fils et leurs agissements pendant la Grande Dépression.
Dans la même veine que l’inégalé Bonnie and Clyde, sorti trois ans plus tôt, Bloody Mama compte parmi les films les plus singuliers du cinéma américain. Réalisé par Roger Corman, l’un des maitres incontestés du Bis, le film évoque l’histoire vraie de Ma Barker, une femme pleine de paradoxes ( hors la loi et férue de religion), mère abusive de quatre garçons qu’elle élève seule et pousse dans sa folie meurtrière, enragée contre une société qu’elle estime responsable de sa misérable existence. Dans une époque troublée par la Grande Crise, le gang multiplia les pires délits (viols, kidnappings, braquages, meurtres) et échappa longtemps à la police jusqu’en 1935. Corman s’empare de ce matériau idéal pour trousser un film policier nerveux, à la mise en scène punchy, aux thèmes osés pour 1970 (on y parle d’inceste, d’homosexualité, de drogues) et il signe là son meilleur opus. Entre scènes d’action très bien conçues et psychologie des personnages fouillée, Bloody Mama étonne par sa crudité de ton, sa violence graphique et marque un point de rupture entre la décennie 60 et celle de 70 qui allait multiplier ce genre de films décomplexés, annonçant Délivrance ou Les Chiens de Paille. Le budget très modeste n’empêche nullement à Corman d’installer un climat sordide, de frapper les esprits avec cette description sans concessions du banditisme, de rappeler que la révolte et le besoin d’argent peut mener à toutes les atrocités.
A la distribution, les heureux débuts de Robert de Niro sont à saluer, ainsi que la prestation de Don Stroud jouant l’ainé de cette famille et sûrement le plus radical dans sa violence. Mais, en premier lieu, c’est Shelley Winters qui livre une performance démentielle dans ce rôle hors normes qu’elle tient à bout de bras et fait de Ma Barker une inoubliable maman dégénérée. Le nihilisme et la misanthropie latente se dégagent nettement jusqu’à un final plein de bruit et de fureur que Corman maitrise d’autant mieux qu’il a longtemps oeuvré dans le genre horrifique. Longtemps taxé de série B de luxe, il faut redécouvrir urgemment ce petit joyau honteusement mis de côté, comme un vilain petit canard!
ANNEE DE PRODUCTION 1970.