Lors d’une livraison, Jongsu, un jeune coursier, tombe par hasard sur Haemi, une jeune fille qui habitait auparavant son quartier. Elle lui demande de s’occuper de son chat pendant son absence pour un séjour en Afrique. A son retour, la jeune fille est accompagnée d’un garçon mystérieux, Ben, riche, beau, établi. Ils forment bientôt un curieux trio. Un soir, Ben révèle un secret à Jongsu. Peu de temps après, Haemi disparaît…
Le cinéma coréen compte de grands réalisateurs fort talentueux comme Park Chan Wook (Old Boy) et bien sûr Bong Joon Ho (Parasite), mais aussi le moins connu Lee Chang Dong, auteur du très beau Poetry. Le revoila aux commandes de ce thriller dramatique et psychologique, adapté d’une nouvelle de Murakami, Les Granges brulées, et c’est un euphémisme de dire que son script est aussi audacieux que sinueux. Il nous mène sur une histoire aux recoins sombres et passionnants, prenant son temps pour installer une atmosphère mystérieuse, implicitement chargée d’indices qui semblent ne mener à aucune piste tangible… Et justement le manque de réponses et de logique apparente font de Burning un admirable puzzle mental. Certains le jugeront sûrement fastidieux à suivre, d’autres s’y plongeront comme dans un roman haletant et bourré de suspense. Ca tombe bien, le héros principal se dit écrivain et tente de composer une narration lui aussi, alors où s’arrête la fiction et la réalité? Qu’est ce qui est de l’ordre du fantasme, ou de la création de l’esprit? Grâce à une mise en scène magnétique, Lee Chang Dong va de l’étrangeté à l’épure quasi totale: en décidant de ne pas dramatiser l’action, il prend le risque de perdre ses spectateurs les moins patients, pourtant son cinéma nous happe par sa beauté visuelle.
Bien plus qu’un polar à la construction tordue, Burning se veut surtout être un brûlot social, avec l’opposition de deux personnages masculins aux antipodes (l’un est pauvre, introverti, obscur, l’autre est riche, séducteur, extraverti et insolent): comme pour montrer que la société coréenne engendre des monstres dans toutes les couches sociales et qu’ils ont là de quoi s’affronter. La fille entre eux devient alors presque un prétexte. Parcouru de moments sublimes (la séquence de coucher de soleil sur l’air le plus connu de Miles Davis), très bien joué par Ah In Woo et Steven Yeun, et photographié avec un goût pointu, ce film fascinant a séduit le jury de Cannes, sans remporter de prix. Sans jeux de mots, cette oeuvre brulante n’en finit pas de poser multiples questions.
ANNEE DE PRODUCTION 2018.