Ali et son fils de 5 ans trouvent refuge chez sa soeur à Antibes, après une vie chaotique. Il décroche un job de videur de boite de nuit. Un soir, lors d’une bagarre, il rencontre Stéphanie, une dresseuse d’orques. Tout les oppose: il est pauvre, elle est belle et pleine d’assurance. Mais très vite, le destin s’acharne: Stéphanie est victime d’un accident grave qui la laisse amputée des deux jambes. Ali va tenter de l’aider, sans pitié ni compassion…
Trois ans après son sacre critique et public du Prophète, Jacques Audiard change de genre avec ce drame rude, adapté du roman de Craig Davidson Un goût de rouille et d’os. Se déroulant dans un milieu prolétaire difficile, présentant des personnages peu attachants (du moins au démarrage), le film prend ensuite la tournure d’un mélodrame naturaliste intense, dès lors qu’Ali ouvre son coeur et son humanité à Stéphanie, cette jeune fille amputée des deux jambes, avec qui il noue d’abord une amitié, puis dérive vers un amour progressif. La force du destin ainsi que ses épreuves terribles sont le marqueur puissant de cette intrigue, où les coups du sort vont de pair avec les coups pris par Ali dans les combats à mains nues qu’il mène pour gagner sa vie. Cette violence physique s’apparente à la rage silencieuse de Stéphanie qui ne peut plus se battre comme elle le désire, pourtant infiniment révoltée contre sa nouvelle apparence. Jacques Audiard va à l’os de ses protagonistes, ne craint pas de les montrer antipathiques, perdants, à la dérive. En transcendant ce qui les handicape, Ali et Stéphanie s’humanisent et amènent le film vers une lumière que l’on percevait mal au départ. La belle mise en scène d’Audiard contribue à resserrer les liens -pas évidents- de ces êtres cabossés, le rebondissement dramatique (que l’on ne dévoilera pas ici) servant de révélateur à leur histoire commune.
Entre destruction et reconstruction, De Rouille et d’Os émeut pour beaucoup par l’implication de ses deux comédiens. Mathias Schoenaerts, colosse massif, gueule carrée, dévoile peu à peu sa sensibilité et habite de sa présence l’intégralité des plans qu’il investit. Dans un de ses plus beaux rôles avec La Môme, Marion Cotillard se dépasse une fois de plus au niveau de l’interprétation, entre douleur muette et envie de prendre sa revanche sur la vie. Le terme un peu galvaudé de résilience convient parfaitement à ce long métrage brutal, froid et paradoxalement très poignant.
ANNEE DE PRODUCTION 2012.