Ils ont été appelés en Algérie au moment des événements, en 1960. Deux ans plus tard, Bernard, Rabut , Février et d’autres jeunes soldats français sont rentrés au pays. Ils se sont tus, ont vécu leurs vies, mais parfois il suffit de presque rien, d’une journée d’anniversaire qui tourne mal, pour que quarante ans après, le passé fasse irruption dans la vie de ceux qui ont cru pouvoir le nier…
Trois ans après Chez Nous, le cinéaste Lucas Belvaux revient avec ce film remarquable sur les traumatismes de la guerre d’Algérie. Un sujet très peu traité au cinéma finalement. Il installe ses personnages de nos jours et une dispute, des mots plus hauts que l’autre, vont faire ressurgir un passé terrible qu’ils ont en commun: celui d’avoir participé à cette très sale guerre, d’avoir assisté aux pires horreurs qu’ils n’ont jamais pu raconter, par manque de mots et de courage. Les mots justement, Belvaux leur en donne, au travers d’une narration précise, très bien écrite, avec pour l’essentiel des monologues lus sur d’anciennes lettres d’époque, ou sorties des mémoires encore vivaces. Ce film est un témoignage fort, en même temps qu’un pamphlet contre le racisme et l’oubli. Usant peut être un peu trop des flash backs pour illustrer les souvenirs d’avant, le réalisateur insiste sur les traces indélébiles laissées sur ces hommes, le chaos intérieur qu’ils doivent encore gérer. Le récit autour de l’histoire de famille aurait gagné à être plus approfondie, car les enjeux des rapports entre les uns et les autres souffrent d’un manque de clarté.
L’utilisation de la voix off, omniprésente, n’enlève rien à l’émotion ressentie, au contraire, elle renforce même le sens des paroles, le poids des mots. Belvaux a adapté le roman de Laurent Mauvignier avec le plus de fidélité possible, s’accrochant au texte, et ne faisant pas l’impasse sur certaines séquences violentes et difficiles à regarder. Les jeunes appelés sont interprétés par des inconnus, Yoann Zimmer et Félix Kysyl, tous deux intenses et que l’on devrait revoir. Les têtes d’affiche qui forment le trio principal n’ont plus rien à prouver (Darroussin toujours irréprochable, Catherine Frot émouvante) et surtout Depardieu, pachydermique, lourd, mais si aérien dans le registre dramatique pur. Il rappelle quel immense comédien il est, au delà de ses excès. Un beau film sur les douleurs de l’âme dont on ne guérit jamais tout à fait.
ANNEE DE PRODUCTION 2020.